Un scientifique préconise des réponses politiques au commerce du bois entre l’Afrique et la Chine

Selon un récit populaire mondial les intérêts commerciaux de la Chine en Afrique sont déterminés par cette nation puissante, avide de ressources naturelles pour alimenter ses besoins industriels nationaux et internationaux toujours croissants, sans égard aux coûts sociaux et environnementaux.
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Les recherches du Centre de Recherche Forestière Internationale recommandent aux décideurs politiques de reconnaître la diversité des modèles d’entreprise chinois et africains pour parvenir à un commerce du bois durable et socialement responsable. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

BOGOR, Indonésie – Selon la croyance populaire et internationale, les intérêts commerciaux de la Chine en Afrique seraient déterminés par cette nation puissante, avide de ressources naturelles pour alimenter ses besoins industriels nationaux et internationaux toujours croissants, sans égard pour les coûts sociaux et environnementaux.

Un contre-récit suggère que les Etats africains devraient choisir leurs partenaires économiques en fonction de leurs propres intérêts. En outre, les nouvelles formes chinoises d’aide, de commerce et d’investissements représentent une bonne alternative aux modèles de développement occidentaux qui ont échoué à aborder efficacement la pauvreté en Afrique.

En fait, une grande variété de modèles d’affaires et de réseaux commerciaux relie le marché chinois aux opportunités africaines d’investissement et d’approvisionnement en ressources naturelles, selon la recherche.

Au cours des dernières années, le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et ses partenaires de recherche ont exploré ces sujets afin de contribuer à une meilleure compréhension de la relation Chine-Afrique, en particulier en ce qui concerne le marché mondial du bois.

«L’accroissement des intérêts économiques chinois envers l’Afrique a provoqué une réaction “à sensation” dans les médias internationaux, en particulier depuis la dernière décennie. Celle-ci se trouve désormais modérée par une première série de recherches sur le terrain, démontrant que les circonstances de la participation chinoise sont complexes et diffèrent grandement d’un endroit à un autre», déclare Louis Putzel, scientifique chevronné au CIFOR.

«Il n’existe pas de réponse politique unique», dit-il.

Après des années d’exploitation forestière intensive dans les pays côtiers de l’Afrique tropicale, visant à répondre plus particulièrement à la demande chinoise de certaines espèces plus abondantes utilisées pour fabriquer du contreplaqué, la demande en bois dur à valeur ajoutée est en train de pousser les activités d’exploitation forestière plus loin vers l’intérieur des terres africaines dans la République démocratique du Congo et la Zambie.

«Pour un certain nombre de raisons, ces zones sont moins équipées pour gérer durablement leurs ressources forestières», déclare M. Putzel. «Les perspectives politiques mises à part, il est crucial de parvenir à une meilleure compréhension de la façon dont le commerce fonctionne et comment atténuer les risques sociaux et environnementaux connexes.»

La recherche, menée entre 2011 et 2013 dans les pays forestiers tropicaux du bassin du Congo et ceux couvrant la savane boisée de Miombo en Afrique orientale et australe, est résumée dans une note d’information notamment rédigée par le scientifique Xiaoxue Weng.

Elle recommande aux décideurs politiques de reconnaître la diversité trouvée parmi les modèles économiques chinois et africains, tout en tenant compte du rôle des entrepreneurs locaux africains et de la communauté internationale pour parvenir à un commerce du bois durable et socialement responsable.

«Les entreprises opérant au sein du marché Chine-Afrique vont de grandes sociétés publiques chinoises à des entreprises privées de toutes tailles, qui peuvent avoir leur siège en Afrique, en Chine ou totalement ailleurs », déclare M. Putzel.

«Aucun ensemble de lois nationales, ni aucune convention sur le commerce ne peut couvrir seule toutes les sources potentielles de risques sociaux et environnementaux. Les lois actuelles régissant le commerce mondial du bois ne se préoccupent certainement pas de la pauvreté dans les pays producteurs de bois tropicau », dit-il.

«En fait, les lois tendent à exclure les acteurs plus pauvres ou économiquement marginalisés de la participation aux activités financièrement bénéfiques», poursuit-il. «Dans le même temps, dans de nombreux endroits, l’extraction non contrôlée ainsi que la surexploitation progressent rapidement.»

La Chine est le plus grand importateur mondial de bois tropicaux. Selon la recherche, ce pays de 1,35 milliard d’habitants a augmenté la proportion de ses importations de 35% en 2000 à 78% en 2009, ce qui fait du bois le troisième secteur d’exportation de l’Afrique, après le pétrole et les minerais.

Les quatre pays producteurs de bois sur lesquels le CIFOR a mené la recherche, le Cameroun et le Gabon dans le bassin du Congo, le Mozambique et la Zambie dans la savane boisée du Miombo, représentent 40% des exportations de bois de l’Afrique vers la Chine en termes de valeur, qui équivalait en 2012 à 543 millions de dollars, selon les statistiques Comtrade des Nations Unis.

«Un fait frappant, compte tenu des volumes du commerce de bois de l’Afrique vers la Chine, est le niveau extrêmement bas des investissements chinois dans l’industrie du bois africaine», déclare M. Putzel.

«Ce fait est très révélateur: tant que le bois africain est disponible pour un bon prix, les entreprises vont le couper ou l’acheter pour l’expédier en Chine. Néanmoins, l’investissement pouvant contribuer à l’économie locale est une autre histoire. A ce jour, il est insignifiant, à l’exception de un ou deux endroits.»

La recherche a abouti à des recommandations: les gouvernements africains devraient s’associer avec des institutions chinoises pour explorer les moyens de renforcer la surveillance du commerce du bois, de renforcer l’application de la loi, d’inciter les districts à prendre plus de responsabilités quant aux ressources locales, ainsi que de lutter contre la corruption parmi les fonctionnaires nationaux et locaux.

Elle a constaté qu’il faudrait accorder davantage d’attention à l’équité sociale, l’amélioration de la gestion des stocks forestiers et le développement de secteurs nationaux de transformation et de fabrication plus efficaces.

À cet égard, selon M. Putzel, les investissements chinois pourraient être très bénéfiques.

La communauté internationale devrait reconnaître les limites de l’influence du gouvernement chinois sur les entreprises privées opérant à l’étranger. Toutefois elle devrait continuer à exiger de la Chine des normes élevées quant au suivi de ses propres importations, dit-il.

En attendant, «les institutions chinoises, y compris les institutions de recherche et ministères sectoriels, pourraient s’intéresser davantage aux enjeux de la pauvreté et des droits économiques liés aux industries extractives en Afrique, grâce auxquelles la Chine importe des matières premières valant des milliards de dollars», déclare M. Putzel.

«Le grand nombre de petits exploitants forestiers et de petites entreprises impliqués dans le secteur met tout particulièrement en évidence l’importance de considérer l’équité sociale dans l’élaboration de politiques», affirme M. Putzel.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de Recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.

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