« Les pluies deviennent rares, elles arrivent tard et repartent beaucoup trop tôt », a déclaré Bakari Robert, directeur général du MIDIMA, en évoquant les changements climatiques erratiques qui secouent les régions du Nord et de l’Extrême-Nord du pays.
La communauté internationale présente le changement climatique comme une crise existentielle, et ce à juste titre. Dans des régions comme le nord du Cameroun, les effets induits – sécheresses, inondations, vagues de chaleur torride – font des ravages dans les systèmes socio-économiques les plus vulnérables.
Le bilan ne se mesure pas seulement en termes de santé humaine ; l’agriculture, pierre angulaire de ces communautés, subit une forte baisse :
- Diminution des rendements agricoles : Alors que la chaleur torride et la sécheresse prolongée s’emparent de la terre, les cultures se flétrissent sous l’effet d’un stress hydrique incessant. La croissance ralentit, les feuilles jaunissent, les fleurs se fanent et les rendements chutent.
- Dégradation des sols : Le sol n’est pas mieux loti. La chaleur accélère l’évaporation, laissant la terre craquelée et stérile, vulnérable à l’érosion éolienne et hydrique, ce qui entraîne une perte de fertilité et de rétention d’eau. En outre, la salinisation du sol, processus accentué par l’évaporation, peut rendre la terre impropre à la culture à long terme.
- Diminution de la productivité du bétail : La diminution des ressources en eau et en pâturages affecte le bétail. Les animaux souffrant de malnutrition sont plus vulnérables aux maladies. La mortalité du bétail peut être élevée, ce qui entraîne une baisse de la production de viande, de lait et d’autres produits animaux.
Le chemin à parcourir : Quelles sont les solutions possibles ?
Des mesures audacieuses d’atténuation et d’adaptation sont nécessaires pour lutter contre cette crise de plus en plus grave. Il est essentiel d’améliorer le cadre institutionnel, la gouvernance et les mécanismes de soutien liés au changement climatique.
Le renforcement de ces aspects permettrait de mieux coordonner les actions, d’optimiser l’utilisation des ressources et d’encourager une plus grande participation locale à la conception et à la mise en œuvre des politiques climatiques. Leur mobilisation, leur coopération ou leur opposition influencent considérablement la formulation, la mise en œuvre et le suivi des politiques, et déterminent en fin de compte leur impact sur les communautés et les régions. En juillet 2024, un atelier organisé à Garoua a réuni des acteurs clés du Nord et de l’Extrême-Nord. L’objectif ? Cartographier les réseaux d’influence des acteurs de l’action climatique dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord afin de découvrir les dynamiques de pouvoir en place et, par la suite, de faciliter une collaboration plus efficace entre les acteurs », explique Hilary Ngouabo, doctorant au sein du projet Innovation pour l’adaptation au changement climatique (INNOVACC) à Garoua.
« Cet atelier a joué un rôle déterminant », ajoute Divine Foundjem, chercheur en politiques et marchés au Centre de Recherche Forestière Internationale et au Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF). « Il a permis aux parties prenantes de réfléchir à la manière dont les politiques climatiques – élaborées aux niveaux mondial et national – sont appliquées sur le terrain ici, dans le Nord et l’Extrême-Nord. »
Révéler les acteurs du climat : Quelques faits détectés !
Cet atelier, qui s’est tenu récemment à Garoua, a rassemblé un ensemble éclectique de parties prenantes, allant des ONG internationales, des entités gouvernementales et des organisations locales de la société civile aux chefs traditionnels et aux représentants du secteur privé. L’objectif était ambitieux mais capital : cartographier le réseau complexe d’acteurs engagés dans l’action climatique dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun.
Regroupés par région, les participants ont été chargés de fournir des preuves concrètes des activités de ces acteurs sur le terrain. Il en est ressorti une image détaillée d’un paysage extrêmement complexe, avec sept catégories clés d’acteurs qui façonnent la réponse climatique de la région : le secteur public, le secteur privé et parapublic, les autorités traditionnelles et religieuses, les organisations internationales, le secteur de la recherche et de l’éducation, les organisations de la société civile et les communautés locales.
De plus, au fur et à mesure des discussions, la complexité de la situation est apparue plus clairement. Le travail effectué par les participants a mis en évidence la diversité des rôles, des responsabilités et des interactions entre les différents acteurs, ce qui a à la fois aidé et entravé les efforts visant à améliorer les conditions locales et à protéger les ressources naturelles.
« Au niveau national, la lutte contre les défis du changement climatique est principalement menée par le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) », explique Hilary Ngouabo, doctorant dans le cadre du projet INNOVACC. « Cependant, il existe de fréquents conflits de compétence avec le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF), en particulier sur les questions de reboisement. Ces conflits ralentissent souvent les progrès ».
Les tensions sont encore plus prononcées au niveau local : « Les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs se retrouvent en concurrence directe pour des ressources naturelles de plus en plus rares, tandis que les antennes locales du MINFOF s’efforcent d’arbitrer ces conflits », explique Mme Ngouabo.
« Pour améliorer la situation, il faut renforcer la coordination entre les acteurs, appuyer les collectivités territoriales décentralisées, renforcer les capacités de recherche de l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) et améliorer la collaboration entre l’Observatoire national du changement climatique (ONACC) et la Direction de la météorologie nationale », conclut Mme Ngouabo.
L’atelier a révélé que si de nombreux acteurs contribuent à la lutte contre le changement climatique dans la région septentrionale du Cameroun, leurs efforts sont souvent inégaux en termes d’ampleur et d’impact. Les autorités traditionnelles et les organisations de la société civile proches des communautés sont cruciales dans la mobilisation des populations locales et la mise en œuvre d’initiatives climatiques. De leur côté, les partenaires techniques et financiers appuient ces efforts en finançant la recherche, en développant des stratégies et en mettant en œuvre des projets de résilience.
Les ministères, en particulier le MINEPDED et le MINFOF, détiennent un pouvoir de décision important, même si leurs domaines de compétence se chevauchent parfois. Le Conseil régional, censé superviser et coordonner ces efforts, est souvent dépassé par les services décentralisés, ce qui conduit à une action fragmentée sur le terrain. Le secteur privé, bien que présent – en particulier dans les télécommunications et le développement industriel – n’a apporté qu’une contribution marginale à des initiatives telles que le reboisement. Bien que stratégiquement importantes, les organisations clés telles que MEADEN, CILSN et ONACC n’ont qu’une influence limitée sur l’agenda climatique général.
En fin de compte, la lutte contre le changement climatique dans le nord du Cameroun reste un effort collectif. Pourtant, l’atelier a mis en évidence un thème récurrent : la fragilité de la gouvernance. Le manque de collaboration efficace entre les acteurs sectoriels continue d’entraver les progrès. Il sera essentiel d’améliorer la coordination, de renforcer les capacités locales et d’encourager de véritables partenariats si la région veut renforcer sa résilience dans un climat en constante évolution.
Remerciements
Cette recherche a été soutenue par le projet Innovation for Adaptation to Climate Change (INNOVACC), financé par l’Union européenne. Ce projet est mis en œuvre par un consortium d’institutions de recherche nationales et internationales, à savoir le Centre de Recherche Forestière Internationale et le Centre international de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) et la Fondation Energies pour le Monde (FONDEM).
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