En procurant des biens et des services, les forêts d’Afrique centrale jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, mais contribuent également à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU. Les forêts sont aussi utiles à un certain nombre de secteurs tels que l’agriculture, l’énergie, les infrastructures et les industries extractives. Lorsque ces forêts sont gérées en mode durable, elles peuvent offrir des solutions fondées sur la nature à de nombreux problèmes liés à l’eau, à l’énergie, à l’alimentation et à la sécurité alimentaire, à la lutte contre la pauvreté, entre autres. Cependant, on a constaté que l’absence d’actions intersectorielles appropriées est un obstacle de taille qui pèse sur le bon suivi de la contribution des forêts d’Afrique centrale aux ODD selon un nouveau rapport.
Ce rapport, Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021, publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC) souligne que l’association des différents acteurs à la gestion forestière est une préoccupation récurrente. Il explique également que le caractère multifonctionnel des forêts n’est pas compatible avec une approche en silo si l’on veut lutter contre la dégradation des forêts et la disparition de la biodiversité. Les scientifiques remarquent que la pression exercée par différentes industries et activités menace les forêts d’Afrique centrale et que, par conséquent, le renforcement du suivi de la contribution des forêts aux ODD ne peut reposer uniquement sur les acteurs du secteur forestier. Ils citent en exemple Kinshasa, où 90 % de la population utilisent du bois de chauffe pour la cuisson des aliments, et affirment que les problèmes posés par l’approvisionnement en bois-énergie devraient être traités dans le cadre d’une politique énergétique coordonnée tenant compte des principaux acteurs du secteur de l’énergie de la biomasse.
Par ailleurs, Jeremie Mbairamadji et d’autres auteurs du rapport ont relevé des failles dans les systèmes statistiques nationaux des pays d’Afrique centrale qui « n’ont pas les capacités suffisantes pour produire en temps opportun des données systématiques, précises, pertinentes et comparables sur les forêts ». Ces données sont pourtant indispensables pour établir des bases de référence et rendre compte des avancées de la contribution des forêts vers l’atteinte des ODD. Les experts constatent que les instituts nationaux de statistique de la plupart des pays d’Afrique centrale font face à une pénurie de moyens financiers et humains qui les empêche de suivre les ODD d’une manière adéquate.
Les pays d’Afrique centrale sont aussi confrontés à un autre problème : l’absence de culture organisationnelle en matière de révision périodique de leurs politiques et stratégies afin de les actualiser et les adapter aux nouvelles réalités et exigences.
« Il est fort probable que les cibles priorisées par les pays d’Afrique centrale dans leurs rapports nationaux volontaires ne soient pas révisées à leur échéance en 2030 tout comme c’est le cas pour plusieurs de leurs politiques forestières et environnementales. Le besoin croissant de données harmonisées et de qualité pour le suivi des ODD et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine est reconnu par plusieurs pays de la sous-région comme une urgence », déclare Sédric Edmond Tiobo’o de l’Institut National de la Statistique du Cameroun qui est l’un des auteurs du rapport. Il a ajouté que le Tchad réforme son système de production statistique depuis 2019, tandis que le Cameroun s’emploie à élaborer la troisième génération de sa Stratégie Nationale de Développement de la Statistique.
Une absence de culture de gestion adaptative a aussi été repérée dans les pays d’Afrique centrale. Les chercheurs notent que la plupart des administrations publiques des pays de la sous-région impliquées dans les secteurs de développement (agriculture, forêt, pêche, élevage, économie) utilisent des approches classiques de gestion qui n’intègrent pas forcément les nouvelles solutions (approche écosystémique, gestion axée sur les résultats et solution fondée sur la nature). À leur avis, ces nouvelles solutions sont cependant plus souples et s’adaptent à divers contextes.
Malgré les difficultés, la réalisation de l’exercice d’alignement du Plan de convergence de la Commission des Forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) aux cibles des ODD a permis de prioriser 31 cibles de 10 ODD. Le rapport met notamment en exergue l’ODD 1 « Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde » qui est étroitement lié aux préoccupations abordées dans l’axe prioritaire d’intervention 5 « Développement socioéconomique et participation multi-acteurs » du Plan de convergence, car les forêts d’Afrique centrale fournissent des emplois. Citant une étude de 2013 réalisée par Richard Eba’a Atyi, les auteurs rapportent qu’en République centrafricaine et au Gabon, le secteur forestier est le premier employeur privé du pays et demeure le deuxième employeur après l’État. Au Cameroun, près de 8 000 emplois sont offerts par le secteur forestier formel, les femmes étant faiblement représentées : 281 sur 8 047 travailleurs dénombrés en 2008.
D’après les chercheurs, des 10 ODD considérés dans le rapport 2018 sur la situation des forêts du monde de la FAO, seul l’ODD 11 « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables » n’a pas été priorisé et pris en compte dans cette analyse axée sur l’Afrique centrale. En effet, ces scientifiques indiquent que les préoccupations liées à la foresterie urbaine, à l’arbre dans la ville ou encore aux espaces verts ne sont pas abordées de manière spécifique dans le Plan de convergence 2015–2025 de la COMIFAC.
Afin de renforcer le suivi de la contribution des forêts aux ODD, les chercheurs recommandent d’accroître les moyens des instituts nationaux de statistique. Ils préconisent également d’améliorer la coordination institutionnelle, en citant en exemple la République démocratique du Congo qui a créé l’Observatoire Congolais de Développement Durable (OCDD) au sein du ministère du Plan. La nécessité de renforcer la capacité de l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale et du personnel technique des ministères chargés des forêts et de l’environnement en matière d’évaluation des écosystèmes forestiers a aussi été évoquée.
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