Les plateformes et les partenariats multipartites qui réunissent des personnes issues de différents groupes d’intérêt pour discuter des défis, des opportunités, des actions politiques et des stratégies de plaidoyer communs, sont « considérés comme essentiels pour presque toutes les initiatives mondiales existantes », a déclaré Anne Larson, responsable de l’équipe genre, équité et bien-être au Centre de recherche forestière internationale et au Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF).
A. Larson a fait cette remarque lors de l’ouverture d’une session sur le sujet, le 6 juin 2022, dans le cadre de la Semaine scientifique, une conférence hybride interne au CIFOR-ICRAF réunissant plus de 500 scientifiques du monde entier.
« Pour nous, en tant qu’une organisation travaillant sur la restauration climatique, la biodiversité, les objectifs de développement durable et les systèmes alimentaires, ces types de plateformes et de partenariats sont essentiels », a-t-elle déclaré.
Cependant, les chercheurs et les experts ont constaté que l’optimisme acritique à l’égard de la planification et de la mise en œuvre des plateformes et des partenariats multipartites n’est guère utile.
« On suppose généralement qu’il est facile ou évident de réunir les personnes. On suppose aussi souvent que les plateformes et les partenariats multipartites sont la réponse : qu’ils sont le meilleur et peut-être le seul moyen d’amener le changement », a souligné A. Larson.
Dans la pratique, la mise en œuvre efficace des plateformes et des partenariats multipartites se heurte à de nombreux obstacles : il existe peu de recherches comparatives ou rigoureuses sur leur fonctionnement et sur les autres mesures qui s’imposent parallèlement et en dehors pour favoriser des solutions véritablement transformatrices.
En plus de la recherche sur les plateformes et les partenariats multipartites, le CIFOR-ICRAF dispose d’une expérience collective considérable dans l’utilisation, l’organisation et la participation à ceux-ci dans plusieurs contextes et à différentes échelles.
La session a été conçue comme le début d’un effort plus large pour faire le point sur l’expérience collective de l’organisation dans ce domaine et produire des résultats qui pourraient la rendre comme un important courtier de connaissances vers une collaboration multipartite plus efficace et équitable.
Lisa Fuchs, qui dirige l’équipe de développement communautaire basé sur les actifs ( Asset -Based Community -Driven Development) au CIFOR-ICRAF, a partagé son expérience de l’engagement pour l’appropriation et l’impact à différentes échelles. Elle a décrit le développement d’un outil de sélection de groupe qui favorise l’efficacité du développement en aidant les acteurs externes à identifier en amont les personnes intéressées par ce qu’elles ont à offrir.
L. Fuchs a également partagé un processus d’engagement en six étapes au niveau du paysage pour la planification de la durabilité, qui peut être adapté aux spécificités de chaque contexte dans lequel il est appliqué.
Elle a également parlé des principes de l’Initiative Agroécologie OneCGIAR pour l’engagement des parties prenantes.
« Réussir l’engagement dès le départ est fondamental pour réussir une activité. Afin d’avoir une approche réellement transformationnelle, il est important que nous trouvions une manière de faire les choses qui soit spécifique au contexte et comparable », a-t-elle relevé.
Emily Gallagher, chercheure au CIFOR-ICRAF, a présenté le travail de son équipe sur les approches juridictionnelles des plateformes et partenariats multipartites pour la gouvernance des paysages multifonctionnels et les produits de base zéro déforestation au Ghana. Dans l’ouest du pays, l’équipe étudie la mise en œuvre d’une approche juridictionnelle de la réduction de la déforestation et de la dégradation forestière dans le secteur du cacao dans le cadre de la stratégie infranationale REDD+ du Ghana. Le CIFOR-ICRAF et SNV développent ensemble des plateformes d’apprentissage collaboratif qui réunissent les utilisateurs de la forêt et les coopératives de cacao pour qu’ils découvrent les pratiques agricoles intelligentes et la planification de l’utilisation des terres.
Dans l’est du pays, E. Gallagher et ses collègues travaillent dans un paysage dynamique de produits de base, tels que des palmiers à huile, du caoutchouc, du cacao, des mines et d’autres petites cultures.
« Dans ce paysage, nous agissons en tant qu’organisation frontière ou passerelle pour créer des liens horizontaux entre les parties prenantes au niveau juridictionnel et des liens verticaux pour permettre une influence locale et un partage des connaissances avec les décideurs régionaux et nationaux. Notre rôle est d’assurer cette liaison entre les sphères de la science, de la politique et de la planification…et dans ce cas, nous utilisons des plateformes et des partenariats multipartites comme cadre de participation intégré dans les structures juridictionnelles ou administratives », a-t-elle expliqué.
Kimberly Merten, coordinatrice adjointe des connaissances au Forum mondial sur les paysages, a parlé de la création de la coalition mondiale au cours de la dernière décennie. Le Forum est une plateforme axée sur les connaissances, similaire à une plateforme ou un partenariat multipartite, mais qui travaille entre plusieurs échelles, disciplines et secteurs.
K. Merten a affirmé que l’un des principaux défis auxquels est confronté le Forum est que « nous sommes un peu comme un intermédiaire et nous pouvons être un goulot d’étranglement en termes de collaboration et d’intégration entre les parties prenantes ».
Elle a précisé qu’ils employaient des stratégies pour y remédier, telles que la régionalisation, le développement des capacités et l’assistance aux bailleurs de fonds et aux experts financiers pour les mettre en relation avec les experts en charge des questions de restauration.
Valentina Robiglio, Chercheure senior des systèmes d’utilisation des terres au CIFOR-ICRAF, a abordé l’utilisation de plateformes et de partenariats multipartites pour renforcer l’engagement et l’apprentissage collectif dans le cadre de l’Initiative SMART qui vise à promouvoir le développement de l’agroforesterie à San Martín, en Amazonie péruvienne. V. Robiglio et son équipe ont utilisé une approche multipartite pour une prise de décision éclairée par les risques et fondée sur des données probantes (The stakeholder Approach to risk informed and Evidence-based Decision-making).
« La vision qui a été développée consistait à intégrer l’agroforesterie dans le programme régional de croissance sociale et économique de San Martín. Mais notre engagement avec les parties prenantes nous a permis de constater qu’il existait un obstacle majeur à cette intégration : le manque critique de connaissances qui a un impact sur la capacité d’articuler l’agroforesterie avec la croissance économique » a-t-elle exposé.
En conséquence, les participants à l’Initiative SMART ont développé une plateforme qui catalyse la construction de connaissances par l’apprentissage collaboratif ainsi que l’intégration de données et d’informations.
Juan Pablo Sarmiento Barletti, chercheur au CIFOR-ICRAF, a expliqué le travail de son équipe pour soutenir l’équité et l’inclusion sociale dans les plateformes et les partenariats multipartites.
Dans l’Étude comparative mondiale du CIFOR sur la REDD+, une étude portant sur 14 plateformes et partenariats multipartites dans quatre pays a montré un regain d’attention pour la participation et la collaboration comme moyen immédiat de transformer les trajectoires de développement.
« C’est l’idée : si nous travaillons ensemble, les choses vont changer. Mais les organisateurs des différentes plateformes et partenariats multipartites ont reconnu qu’il y avait des inégalités de pouvoir très nettes entre les participants et que très peu d’entre eux possèdent des stratégies pour affronter ces inégalités », a avancé J. P. Sarmiento Barletti.
L’équipe de recherche a donc travaillé avec des participants de plateformes et de partenariats multipartites pour concevoir un outil d’apprentissage social adaptatif et réflexif appelé « Où en sommes-nous ? », conçu pour être utilisé par les participants eux-mêmes. L’équipe l’a publié comme un outil générique mais a aussi développé des versions pour des contextes particuliers, comme pour soutenir la participation des femmes autochtones à la gestion de leurs territoires, pour permettre une gestion participative inclusive des zones protégées et pour soutenir la cogestion des réserves communales en Amazonie péruvienne.
Linda Yuliani, chercheure au CIFOR-ICRAF, a décrit l’utilisation des plateformes et des partenariats multipartites en Indonésie, tant pour la facilitation que pour la recherche.
En ce qui concerne la facilitation, son équipe les a utilisés pour élaborer des principes de bonne gouvernance, promouvoir l’apprentissage, favoriser la compréhension mutuelle et des solutions, créer des réseaux pour l’action collective, garantir la pertinence des questions abordées et contribuer à renforcer la capacité d’adaptation et la résilience.
En tant qu’outil de recherche, ils ont été utilisés comme moyen de collecte et de triangulation des données, ainsi que comme évaluation des perceptions du personnel et des connaissances des parties prenantes.
L. Yuliani a fait remarquer qu’« il y a encore beaucoup d’inadéquation entre les objectifs et les méthodes utilisées, et il est communément admis que l’organisation de plateformes et de partenariats multipartites garantira directement la participation, l’égalité et/ou l’action ».
Elle a recommandé aux facilitateurs de passer d’approches basées sur les problèmes, qui peuvent saper le moral et la motivation, à des méthodes basées sur les points forts, comme l’enquête évaluative qui « permet de renforcer la confiance en soi et de planifier de manière réaliste la réalisation des objectifs ». Elle a également noté que « le fait de s’appuyer sur les mécanismes locaux existants a contribué et apporté une valeur ajoutée au renforcement des capacités et a conduit à des réglementations et des programmes plus pertinents ».
A. Larson a noté que ses collègues prévoient de renforcer un réseau de collaborateurs du CIFOR-ICRAF qui travaillent sur les plateformes et les partenariats multipartites, de réaliser un inventaire, mais aussi de s’associer à des publications présentant leurs données comparatives.
Cette recherche fait partie de l’Étude comparative mondiale du CIFOR sur la REDD+. Les partenaires financiers qui ont soutenu cette recherche sont l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norad, subvention n° QZA-21/0124), l’Initiative internationale pour le climat (IKI) du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature, de la Sécurité nucléaire et de la Protection des consommateurs (BMUV, subvention n° 20_III_108) et le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie (CRPFTA) avec le soutien financier des bailleurs de fonds du Fonds du CGIAR
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