Deux événements organisés au Pavillon Indonésie de la COP27 ont invité les entreprises à jouer un rôle plus important dans la réalisation des contributions déterminées au niveau national (CDN) du pays. Les intervenants ont mis l’accent sur la réduction des émissions provenant du secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF), qui représentent près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Indonésie.
« Les efforts pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de l’Indonésie (tels qu’ils ont été pris dans le cadre des CDN) ne peuvent être menés par le gouvernement seul. Nous devons apprendre du secteur privé, des scientifiques, des ONG et des communautés locales pour atteindre collectivement les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique », a déclaré Haruni Krisnawati, Enseignante-chercheure au ministère de l’Environnement et des Forêts.
Nouveaux objectifs, nouveaux plans
Ces échanges au Pavillon Indonésie se déroulent dans le contexte des objectifs actualisés des CDN 2030 du pays (2022), qui s’engagent à réduire les émissions de GES de 33,89 % par rapport au scénario de statu quo (objectif inconditionnel) et de 43,20 % s’ils bénéficient d’un soutien international (objectif conditionnel). L’Indonésie s’est également engagée à mettre à jour ses CDN, qui sont alignées sur sa Stratégie à long terme pour une faible émission de carbone et une résilience climatique d’ici 2050 (LTS-LCCR) et vise à atteindre zéro émission nette d’ici 2060.
Comme la plupart des émissions de GES de l’Indonésie proviennent d’activités liées à la foresterie et à l’utilisation des terres, la transition vers une gestion durable des terres est essentielle pour atteindre les objectifs CDN. Le plan opérationnel gouvernemental intitulé « Forest and Other Land Use (FoLU) Net Sink 2030 » définit les orientations techniques de cette transition. Le plan s’efforcera de parvenir à une absorption des GES qui soit supérieure aux niveaux d’émission sur l’ensemble des terres indonésiennes (c’est-à-dire un puits de carbone net d’ici 2030).
Concrètement, le secteur UTCATF n’inclut pas d’orientations sur les émissions agricoles, a noté Daniel Murdiyarso, Chercheur Principal au Centre de recherche forestière internationale et au Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF). Toutefois, D. Murdiyarso a poursuivi en suggérant d’intégrer à la fois le secteur UTCATF et les émissions d’origine agricole dans la stratégie climatique indonésienne, puisqu’ils se produisent dans le même paysage. Cette intégration permettrait d’éviter les déperditions.
« Jusqu’à présent, les résultats obtenus sont très prometteurs, mais il reste moins de 30 ans avant 2050 (…). Je pense que l’argent public seul ne suffit pas à résoudre la crise climatique. C’est un problème mondial, et le secteur privé [y compris l’agroalimentaire] doit jouer son rôle », a-t-il souligné.
Faire participer les grandes entreprises
Si les gouvernements et les scientifiques sont indispensables pour renforcer les politiques publiques (comme celles mentionnées ci-dessus) et améliorer la transparence des données, les entreprises peuvent contribuer au lancement d’une bioéconomie circulaire en améliorant l’efficacité de leur production et en adoptant des technologies à faible émission de carbone. Selon H. Krisnawati, les mesures incitatives (telles que les crédits d’impôt, les permis, les investissements verts et les crédits carbone) constituent un moyen pour le gouvernement d’inciter les entreprises à adhérer à ces plans.
Au Pavillon, des représentants du Sinar Mas Group et de la Chambre de commerce et d’industrie d’Indonésie (KADIN) ont présenté leurs actions pour atténuer et s’adapter au changement climatique.
À ce titre, l’Initiative Net Zero Hub de KADIN rassemble plus de 100 entreprises indonésiennes qui se sont engagées à atteindre une transition zéro émission. Le Hub soutiendra les entreprises avec des boîtes à outils, des orientations et des ressources. Il s’agit également d’une plateforme destinée à faciliter le dialogue entre les industries, les scientifiques et les décideurs politiques aux niveaux national et international.
Les représentants de Sinar Mas ont mis en avant les Initiatives de la société en matière d’objectifs scientifiques (Science Based Target Initiatives ou SBTis), qui sont alignées sur les objectifs de l’Accord de Paris et vérifiées par une tierce partie. Ainsi, lors du premier événement, Elim Sritaba, responsable du développement durable d’Asia Pulp and Paper (APP) Sinar Mas, a prévu une réduction de 80 % des émissions de carbone de l’entreprise d’ici 2050 si le groupe adopte certaines pratiques. Au cours du deuxième événement, Agus Purnomo, conseiller principal en matière de durabilité chez Sinar Mas Agribusiness and Food, a souligné l’initiative de l’entreprise visant à conserver 79 900 hectares de forêts à haute valeur de conservation (HVC) dans les concessions d’huile de palme.
« Si [les entreprises indonésiennes] ne mettent pas en œuvre ces changements, nous resterons à la traîne. Dans notre décision de soutenir notre gouvernement, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire de l’objectif zéro émission l’objectif de notre pays », a déclaré Silverius Oscar Unggul, vice-président chargé de l’environnement et la foresterie au sein de KADIN.
Les petits exploitants et la durabilité
La réalisation des CDN ne consiste pas seulement à travailler avec les grandes entreprises. Les petites industries comptent également.
La pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation rapide du nombre de petits exploitants, a noté Musdhalifah Mahmud, vice-ministre chargée de l’alimentation et de l’agriculture au sein du ministère de Coordination des Affaires Économiques. Lorsque le travail s’est tari dans les villes, les personnes sont retournées dans leurs villages pour cultiver ou se lancer dans d’autres petites industries. Il en résulte non seulement une augmentation des émissions dues aux activités d’utilisation des terres, mais aussi une prise de conscience que l’Indonésie ne peut pas atteindre ses objectifs de développement durable sans collaborer avec les petits exploitants.
L’une des façons dont les gouvernements peuvent soutenir les agriculteurs est de les aider à accroître l’efficacité de leurs rendements, a suggéré M. Mahmud. Les grandes entreprises telles que Sinar Mas produisent trois à cinq fois plus d’huile de palme par hectare que les petits exploitants, ce qui signifie qu’elles doivent perturber moins de terres pour obtenir le même résultat. Pour combler l’écart de production, les initiatives gouvernementales peuvent permettre aux petits exploitants d’acheter plus facilement des semences de haute qualité et d’accéder à des financements à faible taux d’intérêt.
« Si les petits exploitants peuvent augmenter leurs rendements sans avoir à déboiser davantage, ce sera une excellente nouvelle », a-t-elle déclaré.
Le gouvernement a également appelé les grandes entreprises à respecter les principes de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) en travaillant avec les villages et les communautés locales pour gérer les terres de manière durable.
Par exemple, le programme RSE de Sinar Mas travaille déjà sur la cartographie participative de la chaîne d’approvisionnement avec des petits exploitants situés dans 171 villages. De plus, Purnomo a annoncé ses efforts continus pour conserver 43 000 hectares de forêts grâce à des partenariats protection-production avec 100 communautés locales.
La science
D’après H. Krisnawati et M. Murdiyarso, tous les partenariats réussis entre entreprises, gouvernements et communautés reposent sur des bases scientifiques solides. En particulier, les systèmes de suivi, de notification et de vérification (SNV) permettront de maintenir les plans de l’Indonésie sur la bonne voie au cours des prochaines décennies. Cependant, la mise en œuvre des SNV reste difficile en raison du manque de cohérence des données et d’ateliers de formation sur la conservation liée à une zone géographique donnée.
Grâce au soutien continu des partenariats public-privé, les deux sessions ont permis d’inviter les scientifiques et les ONG qui les soutiennent (dont le CIFOR-ICRAF) à continuer d’assister les décideurs politiques en Indonésie.
En tant que chercheurs, nous contribuons à répondre à la question suivante : « Comment la nature peut-elle faire partie de la solution économique ? », a conclu M. Murdiyarso.
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