Bienheureux, comme beaucoup d’hommes dans les zones rurales de la République démocratique du Congo (RDC), est un chasseur traditionnel. Vivant dans une localité avoisinante de la forêt tropicale, il gagne sa vie en chassant des animaux sauvages pour alimenter sa famille, tout comme son père et son grand-père l’ont fait.
De nos jours, la population des villes congolaises et la demande de viande de brousse ne cessent d’augmenter. Les confrères de Bienheureux vendent presque tout le gibier qu’ils chassent pour approvisionner le marché urbain. Cependant, en raison d’une chasse excessive, les populations locales d’animaux sauvages sont en déclin, et les chasseurs ont de plus en plus de mal à trouver du gibier. Pour nourrir leurs familles et vendre le surplus, il faut partir de plus en plus loin pour chasser, de jour comme de nuit – un cercle vicieux qui met en péril la biodiversité et ne contribue pas à l’économie locale.
Bienheureux est un chasseur judicieux. Il nourrit d’abord sa famille et ne vend que les excédents. Pour compléter ses revenus, il pratique le petit élevage. Les autres chasseurs se moquent de lui, mais sa femme est contente et ses enfants sont en bonne santé. Les autres femmes du village demandent à leurs maris d’être comme Bienheureux. Finalement, ils arrêtent la vente de viande de brousse et ils se tournent vers des activités rentables et plus respectueuses de l’environnement.
Même si Bienheureux et ses confrères pourraient très bien être réels, ils sont en fait les personnages d’une pièce de théâtre produite par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et la société de production culturelle Studios Kabako. L’objectif de cette production, qui a été présentée pour la première fois le 14 mars 2021 dans le village de Weko, est de changer le comportement des chasseurs vivant dans les alentours de la Réserve de biosphère de Yangambi, une importante zone forestière protégée dans la province de la Tshopo.
« Les défis auxquels sont confrontés les personnages de cette pièce représentent les situations difficiles dans lesquelles se trouvent souvent les chasseurs de cette province », a exposé Jonas Nyumu, chercheur au CIFOR. « Cependant, elle montre également qu’il est possible de modifier les attitudes individuelles pour soutenir la sécurité alimentaire et la nutrition dans les communautés rurales », a-t-il ajouté.
Les recherches menées par le CIFOR montrent que les chasseurs du paysage de Yangambi vendent jusqu’à 80 % de leur gibier pour approvisionner le marché urbain. « Par conséquent, il est urgent de prendre des mesures pour assurer une gestion durable de la faune qui soutient les moyens de subsistance locaux », a déclaré J. Nyumu.
Innover pour sensibiliser
Avec cet objectif et grâce au financement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et de l’Union européenne, le CIFOR a lancé cette année une campagne de sensibilisation appelée Nyama Congo – Nyama signifie viande (de brousse) en lingala – qui vise à réduire la consommation de viande de brousse en ville, ainsi qu’à soutenir l’autoconsommation et le développement d’alternatives en milieu rural.
« Dans le cadre de cette campagne, nous avons choisi d’utiliser aussi le théâtre comme moyen de sensibilisation, car c’est un art très pratiqué de la coutume locale et un outil très efficace pour favoriser la réflexion collective », a précisé Jonas Muhindo, chercheur au CIFOR.
Suivant une approche peu orthodoxe, l’équipe de production a commencé par faire un casting local à Weko pour trouver des talents sur place. « Puisqu’il n’y a pas d’acteurs professionnels à Weko, des vrais chasseurs et leurs épouses ont été invités à participer », a expliqué Gaylor Yogolelo, directeur artistique de la pièce de théâtre. « Le scénario a ensuite été rédigé en fonction de la disponibilité des acteurs choisis et des ressources locales », a-t-il-ajouté.
Les acteurs ont ensuite été encouragés à apporter leur contribution au scénario afin de refléter la situation de la vie réelle, en s’assurant que la pièce toucherait les autres chasseurs et les membres de la communauté.
« C’était incroyable de voir leur engagement », a déclaré Isaac Yenga, coordinateur administratif des Studios Kabako. « C’était la première fois qu’ils participaient à une pièce de théâtre, mais ils se sont comportés de manière si professionnelle. Peut-être est-ce aussi parce que les sujets les ont touchés, et qu’ils ont compris l’importance du projet. »
En parallèle des activités de sensibilisation et de vulgarisation, l’équipe du CIFOR accompagne les chasseurs du paysage de Yangambi dans le développement d’activités économiques alternatives, notamment sous forme d’élevage de volailles et de porcs à petite échelle, ainsi que de l’agriculture, notamment la culture de riz, d’arachide et de mbika (graines de courges).
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