L’Afrique recèle un énorme potentiel dans ses forêts qu’elle pourrait exploiter davantage sans produire plus de bois, en donnant ainsi l’exemple des possibilités offertes par la bioéconomie circulaire, affirme Lauri Hetemäki, Directeur adjoint de l’Institut européen des forêts (EFI).
« En 2019, la production de bois de l’Afrique a été supérieure de 54 % à celle de l’Union européenne et sa superficie forestière est quatre fois plus importante ; pourtant, avec 100 milliards USD, le total des exportations européennes de produits forestiers représente 17 fois celui de l’Afrique qui s’élève seulement à 6 milliards USD », a-t-il expliqué au cours d’un sommet numérique qui exposait les vertus potentielles de la bioéconomie circulaire.
Ce sommet numérique intitulé « Nature at the Heart of a Global Circular Economy », qui s’est ouvert sur un discours prononcé par le Prince Charles, héritier de la Couronne britannique, a réuni vendredi dernier des instances de décision, des économistes, des universitaires et des chercheurs.
Tout en augmentant le profit qu’elle tire de ses forêts, l’Afrique pourrait faire progresser sa durabilité environnementale, économique et sociale, selon L. Hetemäki. Mais pour réaliser ces ambitieux objectifs, ce continent doit aussi développer sa bioéconomie circulaire forestière et élaborer des politiques d’accompagnement.
Les partisans de ce concept, qui est basé sur une économie reposant sur la nature et sur l’utilisation durable de ses nombreuses ressources, considèrent qu’il offre une opportunité inédite d’exploiter le capital naturel renouvelable pour transformer et gérer de manière globale les territoires, la production alimentaire, la santé et les systèmes industriels. Ce modèle s’attache à réduire les déchets au minimum et à remplacer les produits non renouvelables provenant de ressources fossiles qui alimentent la plupart des économies.
« La bioéconomie circulaire vise essentiellement à mettre en place une économie dans laquelle la vie, et non pas la consommation, est le moteur et l’objet », a exposé Marc Palahi, Directeur de l’EFI, au cours de la séance d’ouverture de l’événement qui était organisé par l’EFI, le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et le Centre international de recherche en agroforesterie (ICRAF), avec le Fonds d’innovation finlandais Sitra, en collaboration avec le Forum mondial sur les paysages (GLF) et la Sustainable Markets Initiative Circular Bioeconomy Alliance (SMI CBA).
« Par exemple, dans le passé, pour chaque dollar de bois récolté par ses ouvriers et exporté par le Gabon, le pays gagnait trois fois rien, ce qui a conduit à des dérives, à la déforestation et à la disparition de services écosystémiques », a indiqué Lee White, ministre de l’Eau, des Forêts, de la Mer et de l’Environnement. Voici une partie de la solution à ce problème : il faudrait convaincre les Gabonais que leur bois vaut maintenant bien plus et que, par conséquent, il vaut la peine d’être conservé, et ceci paradoxalement en créant des emplois permanents dans le secteur du bois au Gabon.
« Si nous pouvons créer des industries forestières durables, nous pouvons créer des centaines de milliers d’emplois, ce qui procurera un vivier de ressources humaines qui se consacreront à l’entretien de la forêt », a proposé L. White, pour qui il s’agit « d’un écosystème industriel… c’est-à-dire de ce que le monde désigne par ‘‘économie circulaire’’ ».
« C’est ainsi que nous inciterons les Gabonais à devenir protecteurs des forêts, car nous en avons besoin », tout en protégeant le bassin du Congo dans son ensemble afin de réaliser les objectifs de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Ce texte signé en 2015 sous l’égide des Nations Unies vise à contenir l’élévation de la température annuelle moyenne en dessous de 1,5 à 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
Christopher Martius, Directeur général de CIFOR Allemagne, a précisé qu’il est indispensable pour la réussite d’une bioéconomie que la population et les communautés soient « au cœur » de celle-ci. « Autrement, elle ne décollera pas dans les pays qui souffrent de pauvreté et de l’absence de politiques adaptées ».
Parallèlement à l’intérêt croissant que l’on observe pour les investissements responsables, la crise provoquée par la pandémie de coronavirus pousse le monde à réagir rapidement « pour profiter de cette fenêtre d’opportunité » afin de se transformer, a observé le Prince Charles qui défend la cause de l’environnement depuis très longtemps. Il dirige l’Initiative des marchés durables (Sustainable Markets Initiative) qu’il a lancée lors du Forum économique mondial de 2020. Son objectif est de favoriser une transition éclairée vers une bioéconomie circulaire inclusive et neutre pour le climat grâce à l’implication d’un grand nombre de parties prenantes.
« L’heure n’est plus à la discussion », a insisté le Prince Charles dans un message vidéo. « Nous devons investir dans la nature qui sera le véritable moteur d’une nouvelle économie, une bioéconomie circulaire qui redonnera à la nature autant qu’elle nous donne afin de restaurer de façon urgente l’équilibre que nous avons si imprudemment rompu. »
Akanksha Khatri, Directrice de Nature Action Agenda, la plateforme Biens publics mondiaux du Forum économique mondial, a déclaré : « Il nous faut des solutions survitaminées. » Ces solutions devraient porter autant sur l’efficacité des institutions que sur les mécanismes du marché. Cela nécessiterait de travailler en étroite collaboration avec les gouvernements locaux, les organisations communautaires et d’améliorer la transparence des programmes.
« La restauration de la nature est essentielle si nous voulons réaliser un développement durable ; nous constatons que nos modèles économiques actuels mettent en péril le milieu naturel et notre bien-être », a plaidé Sharon Ikeazor, ministre d’État de l’Environnement au Nigéria. Elle a ajouté que son pays comptait sur le modèle de la bioéconomie circulaire qui est centrée sur la nature, mais crée également des emplois, combat la pauvreté et favorise le bien-être des Nigérians tout en puisant dans leur savoir traditionnel.
« La majorité de notre population vivant dans des communautés qui dépendent des forêts, la restauration des paysages dégradés pourrait sans aucun doute stimuler le développement économique et créer des emplois. » « Puisque la bioéconomie circulaire réunit des solutions technologiques et d’autres traditionnelles basées sur la nature, elle encouragerait aussi la transformation industrielle et technologique », a poursuivi S. Ikeazor.
« La bioéconomie est en fait l’économie du monde à l’origine vers laquelle nous revenons maintenant », a expliqué Mari Pantsar, Directrice, Sustainability Solutions au Fonds d’innovation finlandais Sitra.
« Il est capital pour nous de changer de système pour résoudre le problème de la durabilité, avec le changement climatique, la disparition de la nature et la pollution », a souligné M. Pantsar. « Une approche à visée globale permettra non seulement de s’attaquer à tous ces défis, mais aussi aux enjeux sociaux. »
« Ce sommet numérique a mis en lumière le potentiel d’une bioéconomie circulaire pour créer de nouveaux secteurs et de nouveaux moyens de subsistance durables – tout ce qui manque maintenant, c’est une action concertée », a conclu Robert Nasi, Directeur général du CIFOR et du CIFOR-ICRAF.
« Nous pouvons le faire et nous savons comment, alors au travail ! »
Regardez l’événement complet en ligne (en anglais) :
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