En 1994, le Cameroun est devenu le premier pays du bassin du Congo à adopter le concept de « foresterie communautaire » dans son cadre juridique, donnant aux populations rurales l’opportunité de sécuriser un espace du domaine forestier non permanent et d’y conduire des activités lucratives, selon un plan simple de gestion validé par l’administration. Parmi ces activités, la plupart des forêts communautaires se sont orientées vers la production du bois d’œuvre, une activité souvent considérée par les populations rurales comme le meilleur moyen d’acquérir rapidement des revenus importants.
Quoique prometteuse, l’exploitation forestière a cependant rencontré de nombreuses difficultés et n’a jamais opéré en respectant pleinement la légalité. En 2013 déjà, un collectif de chercheurs montrait qu’aucune forêt communautaire ne respectait entièrement les exigences de la grille de légalité, avec trois vérificateurs sur 37 qui n’étaient jamais respectés, et huit autres qui n’étaient pas respectés par plus de la moitié des 76 forêts communautaires échantillonnées. Tout récemment, le Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement (SAILD) a confirmé ce diagnostic en dressant un inventaire des travers courants de l’exploitation forestière dans les forêts communautaires : falsification des données d’inventaire, abattage hors limites, abattage d’essences non autorisées, abattage sous diamètre, trafic de lettres de voiture, et falsification ou fausses déclarations sur les lettres de voiture, entre autres.
Ces pratiques frauduleuses généralisées dans les forêts communautaires sont aujourd’hui reconnues par l’administration. Dans une lettre circulaire envoyée en février 2020 à ses délégués régionaux, le Ministre camerounais des Forêts et de la Faune écrit qu’il « ressort de manière récurrente que l’exploitation des forêts communautaires alimente le blanchiment des bois illégalement exploités » et exige un diagnostic rapide de la situation.
Compte tenu des défis du modèle de foresterie communautaire axé sur l’exploitation de bois, d’autres usages des ressources sont envisageables, peut-être davantage porteurs de développement durable.
De l’exploitation du bois à la protection de la forêt
L’histoire de la forêt communautaire de la COPAL, située dans la région Centre du Cameroun, est représentative des tendances de la foresterie communautaire au pays. L’initiative, lancée au début des années 2000 grâce au soutien d’organisations extérieures, a commencé effectivement l’exploitation du bois en 2007. Mais les ressources ont été rapidement surexploitées et la COPAL a dérivé dans des pratiques illicites, même si elles n’ont jamais été très rentables. Depuis une petite dizaine d’années, la forêt communautaire existe sur le papier mais plus grand-chose ne s’y passe.
Cependant, une opportunité de changer la donne est arrivée en 2019, lorsque la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), la société en charge de la construction et l’exploitation de l’aménagement hydroélectrique de Nachtigal amont, a annoncé un appui à la forêt communautaire de la COPAL dans le cadre de la compensation environnementale de son projet (situé à une quinzaine de kilomètres de la forêt communautaire).
Soutenu par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), ce projet donne une nouvelle vie à la COPAL et une opportunité de changer la direction. À la suite d’un large processus consultatif de six mois, organisé dans les neuf villages qui se trouvent dans cette forêt communautaire et abouti en août 2020, les populations ont ainsi été accompagnées à la mise en défens d’une surface de 500 hectares de leur forêt. Les blocs choisis représentent la diversité écosystémique du site.
Pas de conservation sans développement rural
Le choix de la conservation par les membres de la COPAL ne doit toutefois pas faire illusion, celui-ci ne peut être accepté par les communautés que s’il s’inscrit dans un projet plus global de développement rural. Au-delà de la conservation, c’est donc un ensemble de trois activités productives qui a été décidé par les communautés : l’appui à la réhabilitation forestière pour les agriculteurs volontaires, la formalisation de l’exploitation artisanale du bois, et la promotion d’une cacaoculture rentable et certifiée.
À travers ces activités, plusieurs objectifs concourent à améliorer durablement les conditions de vie des populations : l’augmentation des revenus tirés d’un volume accru de cacao sur des marchés valorisants, un cadré sécurisé facilitant l’investissement pour les scieurs artisanaux, et la régénération et le maintien des ressources en bois par les propriétaires coutumiers intéressés.
La vision de la COPAL est donc d’élaborer un développement local inclusif qui est la meilleure garantie pour que la conservation de la forêt soit possible. Un changement de mentalité qui prouve que d’autres modèles de foresterie communautaire sont possibles au Cameroun.
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