Il y’a dix ans, la République démocratique du Congo (RDC) adoptait le programme REDD+ (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des Forêts), devenant ainsi l’un des premiers pays à adopter cette initiative dans la région. Néanmoins, son taux d’émissions dues à la dégradation forestière continue d’être parmi le plus élevé du bassin du Congo en raison de l’exploitation forestière non durable, de la collecte de bois énergie, mais aussi de l’expansion agricole et de l’exploitation minière.
Les efforts REDD+ en RDC ont été lancés pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre et réduire la pauvreté tout en contribuant à la gestion durable des ressources forestières et à la valorisation des services environnementaux. Les partenaires y voient un moyen d’améliorer la gouvernance forestière. Quels sont donc les facteurs ayant influencé l’évolution REDD+ au cours des dernières années, et comment les décideurs, spécialistes et donateurs peuvent-ils grâce à ce mécanisme continuer à faire progresser les engagements du pays en matière d’environnement et de développement ?
Dans une nouvelle et deuxième édition du profil pays REDD+ de la RDC, les scientifiques du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) abordent cette question. La publication fait le point sur les progrès réalisés entre 2013 (date de diffusion de la première édition) et 2019, en proposant une analyse des enjeux affectant l’environnement politique REDD+, et en soulignant les principaux défis et opportunités de mise en œuvre. Cette publication fait partie de l’étude comparative mondiale sur la REDD+ (GCS-REDD+), qui examine les processus décisionnels et résultats REDD+ de 14 pays afin de faire progresser l’initiative dans chaque contexte national.
« Au cours des dernières années, la RDC a accueilli de nombreux projets pilotes aux niveaux national et infranational, mais les données sur les résultats étaient souvent éparpillées », a déclaré l’auteur principal, Félicien Kengoum, chercheur principal chez BrightWay Consult, avant de poursuivre : « Contrairement à d’autres publications, les profils pays du CIFOR donnent un aperçu de la REDD+ dans l’ensemble du pays, sur une longue période et sous un angle politico-économique. »
La mise en œuvre de la REDD+ nécessite d’identifier et de traiter les causes de la déforestation et de la dégradation forestière par le biais de processus participatifs inclusifs, en établissant des scénarios de référence pour évaluer les progrès, et en indemnisant équitablement tous les partenaires. Une gouvernance adaptée au niveau national et infranational est essentielle pour faire progresser chacun de ces objectifs.
Néanmoins, en dépit des efforts gouvernementaux et du soutien international, le profil pays conclut sur les faibles progrès réalisés en matière de REDD+ au cours des six dernières années. Cela est principalement dû à un contexte politique volatile, à des conflits, à une faible coordination entre les acteurs REDD+, et à un manque de moyens financiers.
Les chercheurs notent également que les conditions favorables telles que la bonne gouvernance, la transparence des données et la cohérence des politiques et mesures visant à lutter contre la déforestation ne sont pas encore pleinement au rendez-vous : « À ce jour, l’efficacité des activités REDD+ dans le pays n’est pas manifeste, en raison de l’absence d’une évaluation d’impact rigoureuse. »
« Cependant, nous pensons que la situation peut s’améliorer », a déclaré Denis Sonwa, co-auteur et cadre scientifique au CIFOR, expliquant que la publication ventile les résultats et les enseignements tirés pour aider le pays à progresser vers une stratégie nationale REDD+ plus complète.
AMÉLIORER LA GOUVERNANCE
Afin de répondre aux règles établies par la Constitution de 2006, la RDC, qui comptait 11 provinces, s’est dotée en 2015 de 15 provinces supplémentaires. « Dans la mesure où les résultats financiers REDD+ seront réalisés à plus long terme, il y’ a un risque que ces nouvelles provinces à court de liquidités se tournent vers l’exploitation non durable des ressources naturelles », a fait savoir F. Kengoum. En outre, à court de moyens financiers, les institutions REDD+ ont également du mal à devenir pleinement opérationnelles.
Un autre défi est l’affrontement entre les politiques sectorielles qui ont des conséquences sur les forêts. En effet, l’étude souligne que « depuis 2013, le manque de coordination entre les secteurs et les ministères persiste. Cela empêche de résoudre les causes de déforestation et de la dégradation qui proviennent d’autres secteurs que celui de la foresterie. »
À titre d’exemple, des positions différentes ont été soutenues quant à la possibilité d’ouvrir le Parc national des Virunga aux forages exploratoires pétroliers qui pourraient menacer l’intégrité du site classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. En effet, abritant un tiers de la population mondiale de gorilles de montagne, le parc est considéré comme une zone protégée abritant la plus grande biodiversité de tout le continent africain.
Dans le cadre du débat politique REDD+, le profil indique également que les organisations de la société civile, les communautés locales et autochtones tentent de soulever des questions primordiales liées notamment aux droits fonciers et à la planification participative de l’utilisation des terres. Toutefois, leur participation reste à ce jour limitée. « Les populations ont besoin de capacités, de connaissances et de moyens pour se coordonner entre elles et participer à sélectionner les options politiques REDD+ », a souligné D. Sonwa, qui a noté que cela doit être appuyé par des cadres institutionnels adéquats et par un équilibre des rapports de force.
La publication précise que « malgré les efforts déployés pour établir la coexistence du droit écrit et coutumier sur les terres et les ressources, l’État, les administrateurs et les dirigeants locaux ont encore du mal à saisir les enjeux, ce qui entraîne une insécurité foncière et des conflits de propriété. »
Ceci est un point fondamental, car la distribution des paiements basés sur les résultats des initiatives REDD+ dépend de la manière dont les droits sur ces biens sont interprétés. « Les populations autochtones et les communautés locales peuvent avoir un rôle prépondérant dans la réduction des émissions, notamment par la préservation et la gestion forestière, et elles doivent être reconnues et récompensées de manière adéquate pour cela », a rappelé F. Kengoum.
ÉLABORER DES POLITIQUES
Après la publication du profil du pays, les chercheurs continueront à travailler de concert avec les partenaires nationaux pour fournir des outils, données et analyses aux décideurs et spécialistes travaillant sur la REDD+ en RDC. Deux priorités immédiates consistent à mener une évaluation rigoureuse de l’impact REDD+ ainsi qu’à soutenir les efforts entrepris en matière de mesure, notification, et vérification (MNV) au niveau provincial comme base pour les futurs paiements basés sur la performance.
Une autre priorité consiste à mener des recherches sur les tourbières, a déclaré D. Sonwa : « Le pays recense l’un des plus vastes complexes de tourbières connus sous les tropiques : un gigantesque puits de carbone que nous devons mieux comprendre et gérer. »
En parallèle, les experts renforceront les capacités des journalistes et chercheurs locaux, tout particulièrement dans le cadre des efforts visant à consolider la Réserve de biosphère de Yangambi en tant que pôle d’étude sur le changement climatique et la biodiversité dans le bassin du Congo.
En dépit des dynamiques REDD+ existantes en RDC depuis 2013, les chercheurs soulignent le potentiel du pays. « Lorsque la REDD a vu le jour, nous pensions tous qu’il serait plus facile, rapide et peu coûteux de la mettre en œuvre, mais tomber dans le pessimisme serait une erreur », a déclaré F. Kengoum avant de poursuivre : « Nous devons plutôt trouver des solutions transsectorielles et transformatrices pour lutter contre les causes de déforestation et de dégradation forestière pour le bien des générations présentes et futures. »
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