DURBAN, Afrique du Sud (15 décembre 2011)_Les négociations de l’ONU sur le changement climatique ont abouti à des résultats mitigés pour la REDD+ : des progrès ont été réalisés sur la manière de fixer des niveaux des émissions de référence et la manière de mesurer les réductions des émissions résultant des initiatives forestières, mais la décision relative aux sauvegardes sociales et environnementales du programme est insuffisante, tandis qu’aucune avancée n’a été réalisée concernant les sources de financement à long terme, estime le scientifique en chef du CIFOR chargé du changement climatique.
« Les obstacles techniques à la REDD sont en train de tomber et les décisions prises à Durban en matière de REDD constituent un vote de confiance dans les progrès réalisés par la communauté scientifique ces dernières années. Toutefois, nous n’avons pas avancé sur “les coulisses du financement” et sans cela, nous ne pouvons pas parler de viabilité de la REDD », explique Louis Verchot, scientifique en chef au CIFOR.
Erik Solheim, le ministre norvégien de l’environnement et du développement international, et premier bailleur de fonds mondial de la REDD+, a décrit le dispositif de conservation de la nature comme étant jusqu’à présent le plus grand succès des négociations internationales sur le changement climatique, mais il a également appelé les pays à être « plus audacieux » dans leurs efforts visant à réduire les émissions et à ralentir le réchauffement planétaire.
Le sommet de Durban, officiellement la plus longue réunion de l’ONU sur le climat depuis 1995, a été organisé en raison de différends quant à la décision d’étendre les engagements pris aux termes du protocole de Kyoto. Alors que les délégués originaires de 194 nations ont convenu d’une deuxième période d’engagement devant débuter en 2013, le cadre juridique doit encore être décidé et aucun nouvel objectif de réduction des émissions n’a été fixé.
« S’il n’existe aucune certitude en matière d’exigences de réduction des émissions à long terme, ni de cadre international dans lequel les compensations pourraient fonctionner, il n’existe pas non plus de certitude quant aux opportunités de marché pour la REDD. »
Toutefois, alors que la confiance dans la vérification des compensations carbone s’accroît, le secteur privé peut accroître son rôle de soutien financier aux programmes de REDD+, a déclaré Mary Nichols, du California Air Resources Board. En Californie, le programme de plafonnement et d’échange récemment adopté pourrait permettre aux entreprises d’acheter des crédits carbone pour compenser une partie de leurs émissions en dehors des États-Unis et permettre l’afflux de capitaux dans les dispositifs de REDD+ dès 2015.
Dans le même temps, un nombre croissant de nouveaux donateurs commencent à soutenir la REDD+, affirme Kenneth Andrasko, de l’unité Finance carbone de la Banque mondiale. « Ces deux dernières années, les contributions des donateurs aux initiatives multilatérales de REDD+ ont été considérables. […] Ce concept s’impose de plus en plus. »
Les négociations sur la REDD+ se sont concentrées sur quatre grands domaines : le financement, les sauvegardes, les niveaux de référence et le système de mesure, de rapport et de vérification (MRV) des émissions de carbone causées par les activités forestières. Des progrès en matière de sauvegardes, de niveaux de référence et de MRV ont été réalisés assez tôt dans les négociations, tandis qu’une décision fragmentée en matière de financement de la REDD+ n’a été obtenue qu’après de longues délibérations.
La décision sur le financement de la REDD+ est un « résultat médiocre »
Le projet de texte sur la REDD+ présenté la semaine dernière aux négociateurs par le groupe de travail ad hoc de la CCNUCC chargé de l’action coopérative à long terme (LCA) était peu détaillé en matière de financement, la plupart des décisions difficiles sur les règles spécifiques devant régir les mécanismes financiers ayant été reportées au sommet du Qatar prévu l’année prochaine (voir ici la décision en matière de financement prise à la COP 17 par le groupe de travail sur la LCA).
« Il est prévu que les parties soumettent leurs points de vue, qu’un atelier d’experts soit organisé et que le secrétariat de la CCNUCC rédige un rapport technique, puis tous ces textes seront présentés l’année prochaine à la COP pour un projet de décision. Il nous reste donc une année d’incertitude de plus », commente Louis Verchot.
Alors que le projet de texte sur le financement a été accepté relativement tôt dans les négociations, les discussions quant à savoir si les décisions financières de l’année prochaine se baseront sur les marchés, les fonds ou une combinaison de possibilités ont prolongé les débats, ajoute-t-il.
En raison du report d’une décision forte sur le financement à long terme, Louis Verchot pense que les négociations n’ont pas beaucoup contribué à réduire l’incertitude autour des marchés de REDD+. Peu d’observateurs espèrent voir un marché de REDD+ émerger avant 2020, indique-t-il.
« Les marchés resteront en phase expérimentale, mais les parties ne l’accepteront pas indéfiniment. Nous savons qu’il y existera une forme ou une autre d’exigences de réduction des émissions, ce qui est déjà rassurant, mais il s’agit toute de même d’un résultat médiocre en matière de financement. »
Un solide système de MRV pourrait contribuer à l’inclusion de la REDD+ dans le Mécanisme pour un développement propre
Une avancée majeure réalisée à Durban en matière de REDD+ a été la décision d’établir de solides niveaux d’émission de référence, estime Louis Verchot.
Cela contribuera à faire la REDD+ un dispositif similaire au Mécanisme pour un développement propre (MDP), un système qui permet aux projets dans les pays en développement de gagner des crédits de réduction des émissions pouvant être utilisés par les pays industrialisés pour atteindre leurs objectifs de réduction aux termes du protocole de Kyoto.
Malgré des craintes quant au fait qu’autoriser les crédits forestiers dans les systèmes d’échange d’émissions pourrait inonder le marché et inciter les pays développés à acheter des crédits au lieu de réduire leurs propres émissions, cela pourrait fournir une source de fonds majeure pour aider les développeurs de la REDD+ à faire avancer le dispositif.
La première période d’engagement de Kyoto excluait du MDP la conservation des forêts et la déforestation évitée, en raison de préoccupations majeures relatives aux efforts considérables à déployer en matière de surveillance. Toutefois, il est à espérer que le développement de solides systèmes de MRV résoudra ce problème, confie Louis Verchot.
« Le lien entre la REDD+ et Kyoto est encore flou, car elle ne fait pas partie du MDP ; néanmoins, les solides systèmes de MRV obtenus pourraient à l’avenir aider la REDD+ à accéder à ce mécanisme », explique-t-il.
Pour autant, poursuit-il, il est peu probable que les discussions à ce sujet ne débutent avant 2020, car le système européen d’échange de quotas d’émissions (SEQE, le plus grand système d’échange d’émissions de gaz à effet de serre au monde) « n’envisagera rien en matière de REDD avant 2020 ».
« En 2008, lorsque l’UE a réfléchi à la question d’intégrer la REDD+ au SEQE, elle a estimé que de nombreux autres débats seraient nécessaires à cause des inquiétudes relatives à la permanence des réductions d’émissions issues de la REDD+ et à la manière de mesurer et de rendre compte des réductions réalisées dans le secteur forestier. »
« La décision prise à Durban concernant la MRV constitue un pas de plus pour faire de la REDD+ un dispositif suffisamment robuste pour faire partie d’un accord global sur le climat », ajoute le scientifique.
Les sauvegardes au point mort en l’absence de « langage fort »
Selon Florence Daviet, du World Resources Institute, les négociations sur les sauvegardes ont joué dans deux domaines : les discussions techniques sur les directives concernant l’établissement de rapports sur les sauvegardes, ainsi que les discussions de l’organe d’action coopérative à long terme sur le financement de la REDD+ (voir ici la décision relative aux sauvegardes et au système de MRV).
La formulation de la manière dont les pays en développement doivent rendre compte de la mise en œuvre des sauvegardes sociales, environnementales et de gouvernance a été appauvrie, explique Louis Verchot, qui ajoute que cela a probablement été imposé par les pays en développement, nombre d’entre eux ne disposant pas des capacités pour satisfaire aux exigences complexes et onéreuses des donateurs.
Néanmoins, l’absence de règles solides concernant les rapports sur les sauvegardes peut décourager les investisseurs qui souhaitent que les projets soient correctement surveillés, qu’ils ne menacent pas les droits des communautés forestières et n’endommagent pas l’environnement.
« Il existe manifestement un risque que la REDD, si elle n’est pas dotée d’un système crédible pour les sauvegardes, ne reçoive pas de financement suffisant, ni du secteur public ni des investisseurs privés », a récemment déclaré Nils Hermann Ranum, le responsable de la division des politiques et des campagnes à la Rainforest Foundation, dans un article de Reuters.
Alors que les négociations n’ont abouti qu’à des directives supplémentaires minimales en matière de sauvegardes, la décision du groupe de travail sur la LCA reconnaît qu’il existe un lien entre la source et le type de financement et les exigences de sauvegardes (voir paragraphes 63, 64, 66 et 67 de cette décision).
D’après Florence Daviet, « les formulations sont vagues, mais des déclarations comme celle-ci lient plus étroitement les sauvegardes et le financement de la REDD+ […] du moins de manière plus claire qu’à Cancun ».
Cependant, elles contiennent toujours de nombreuses lacunes suite à la décision insuffisante sur les sauvegardes, assure Louis Verchot.
« On aurait espéré un langage plus fort faisant référence à la performance et aux mesures correctives en cas de mauvais résultats. »
Défis et opportunités pour la REDD+ durant les préparatifs de la COP 18
Selon Louis Verchot, le plus grand défi à venir en matière de REDD+ restera le financement.
« Tant que nous ne saurons pas clairement comment les fonds seront versés et quel est le niveau de réductions d’émissions que nous souhaitons atteindre, il sera très difficile de passer à une mise en œuvre à grande échelle de la REDD+. Quelques pays sont déjà prêts à s’engager dans la troisième phase de mise en œuvre de la REDD+, aussi devons-nous vraiment faire avancer les choses en la matière. »
Quant à l’avenir, Tony La Vina, qui anime les négociations sur la REDD+ à la COP, est optimiste : « Nous avons à présent une décision sur les sauvegardes et une décision sur le système de MRV, […] des décisions plutôt bonnes, je pense, évidemment pas parfaites, mais qui nous feront avancer dans la mise en œuvre de la REDD à l’échelle nationale, et c’est bien de cela qu’il est question.
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