Cet article a été initialement publié en anglais dans l’édition du 28 mars 2020 du journal « Zambia Daily Mail ».
La majeure partie de l’Afrique subsaharienne n’a pas accès à l’électricité. Le bois-énergie est donc la principale source d’énergie pour cuisiner pour plus de 60 % des ménages qui utilisent le charbon de bois ou le bois de chauffe pour préparer leurs repas et se nourrir.
La population de l’Afrique se multiplie rapidement et s’urbanise : on s’attend à ce que le nombre de citadins triple presque d’ici 2050, pour atteindre 1,34 milliard de personnes, phénomène qui accroîtra sans doute considérablement la demande de bois-énergie, et en particulier de charbon de bois. L’utilisation non durable du bois-énergie entraîne des conséquences dramatiques sur l’environnement à cause de l’altération physique des vastes forêts du continent. Et en raison de l’absence d’alternatives abordables, fiables et à la portée de tous (due à des facteurs économiques et socioculturels), la demande de bois-énergie va continuer à augmenter dans les années à venir.
En réponse à cette tendance, les États africains ont exprimé le souhait de réduire très fortement la contribution du bois-énergie pour satisfaire les besoins énergétiques de leurs pays, et les politiques actuelles témoignent d’une aspiration régionale à tolérer le bois-énergie jusqu’à ce que des alternatives soient disponibles. Cependant, d’après les données dont on dispose, ces changements n’auront pas lieu au rythme et à l’échelle nécessaires pour éviter que l’avenir ne dépende presque exclusivement que de la biomasse.
Dans le même temps, le secteur du bois-énergie souffre d’un manque de soutien officiel, de marginalisation et fait même parfois l’objet d’une interdiction absolue. Résultat de politiques inadéquates qui ne répondent pas aux réalités locales, la production et le commerce de bois-énergie restent un secteur très informel, qui opère dans l’ombre de cadres juridiques peu respectés et contribue peu aux recettes publiques.
Ces problèmes exigent une nouvelle approche de la gouvernance du bois-énergie, qui viserait à encourager des chaînes de valeur plus durables susceptibles de participer aux moyens de subsistance, à la fourniture d’énergie et à la sécurité alimentaire, tout en évitant de nuire à l’environnement. La situation du bois-énergie est sans issue dans un avenir prévisible : nous avons donc tout intérêt à améliorer ce secteur.
Problèmes sans frontières
Le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) a récemment organisé un débat régional pour réfléchir à la réforme de la gouvernance du bois-énergie dans toute l’Afrique australe. Lors de cet événement qui s’est tenu au Centre de conférence international Mulungushi de Lusaka, des représentants venus d’Angola, du Botswana, de République démocratique du Congo, du Malawi, du Mozambique, de Tanzanie, de Zambie et du Zimbabwe ont présenté l’un après l’autre un tableau identique : production non durable (et informelle), inadéquation du cadre juridique du pays qui affecte parfois d’autres pays, de l’organisation institutionnelle et des politiques, déficit de connaissances et insuffisance des ressources destinées à la recherche, réglementation peu appliquée et absence de soutien politique, déforestation et dégradation des forêts qui s’étendent.
Si nous partageons tous les mêmes problèmes, pourquoi ne pas partager les mêmes solutions ?
Dans l’ensemble de la région, des initiatives isolées ont réussi à améliorer la chaîne de valeur à plusieurs niveaux. Qu’il s’agisse de favoriser la régénération naturelle assistée, d’organiser les producteurs de charbon de bois ou de promouvoir les fours et les réchauds améliorés, nous avons des exemples manifestes qui prouvent que le bois-énergie durable peut devenir réalité. La solution est par conséquent, à l’échelle de la région, de mettre en commun les bonnes pratiques et d’apprendre de ces expériences, d’encourager la coopération pour diffuser et reproduire les modèles de réussite et de susciter ensemble la volonté politique exigée par ces pressants enjeux.
Là où se trouve la demande, il y aura de l’offre
La politique intérieure d’un pays se répercute sur les autres pays de la région. Par exemple, si un pays adopte des mesures restrictives pour réglementer la production de bois-énergie sans proposer d’alternatives pour répondre aux besoins énergétiques de la population, le risque est que le problème soit simplement déplacé vers les pays voisins. La porosité des frontières permet la circulation du bois-énergie entre les pays, et en particulier du charbon de bois, car il se transporte plus facilement.
Les études actuellement en cours au CIFOR montrent que la Zambie se trouve à l’épicentre des flux régionaux du commerce du charbon de bois. Bien que ce pays n’autorise pas actuellement l’exportation du charbon de bois, la forte demande et les lois strictes qui encadrent la production dans les pays voisins semblent être à l’origine d’une circulation transnationale non documentée, dont la dynamique reste à comprendre.
Les représentants qui participaient à l’atelier régional animé par le CIFOR se sont également fait l’écho de cette vision de la situation. Bien qu’on ne dispose pas de preuve tangible attestant d’une circulation transfrontalière du bois-énergie, les ministères des Forêts de la région observent des mouvements et une dynamique entre les pays. Il est pour autant extrêmement difficile de suivre ces flux et de déterminer les modalités de cette circulation comme les quantités concernées en raison de la nature informelle du secteur.
Face à cette situation, là encore la coopération régionale est la seule parade. Seule l’union des pays nous permettra de comprendre la dynamique du commerce du bois-énergie, et d’adopter des politiques publiques qui n’entraîneront pas le déplacement du problème chez nos voisins, mais viendront à bout de cette production et de ce commerce non durables. Au final, si un pays ne parvient pas à protéger ses forêts, les conséquences écologiques s’en feront sentir dans l’ensemble de la région.
Au CIFOR, nous continuerons d’étudier les enjeux transfrontaliers et à émettre des recommandations sur la mise en place d’une approche régionale pour la durabilité des chaînes de valeur du bois-énergie. Nous formulons le vœu que ces enseignements dégagés de l’atelier régional sur le bois-énergie soient pris en considération lors du prochain congrès national sur le charbon de bois qui se tiendra bientôt sous la houlette du ministère zambien des Forêts.
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