La saison des pluies a commencé en Indonésie, éteignant la plupart des incendies qui ont brûlé au travers Sumatra et de Kalimantan central. La nature a peut-être résolu le problème pour l’instant, mais la menace est loin d’être écartée.
« Certaines parties du pays vont être naturellement plus sèches en février et mars, notamment certaines régions du Sumatra et du Kalimantan Est. Lors d’une année El Niño cette sécheresse sera plus prononcée », déclare Louis Verchot, directeur de la Recherche sur les Forêts et l’Environnement au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).
« Nous pouvons donc nous attendre à une nouvelle vague d’incendies », ajoute-t-il.
Les incendies, ainsi que la fumée toxique qu’ils émettent, ont eu un impact majeur sur les hommes et l’environnement. L’Indonésie estime qu’environ 1,7 millions d’hectares ont été touchés. Les coûts économiques pourraient s’élever à des milliards de dollars et les émissions de gaz à effet de serre du pays pourraient atteindre des niveaux records. À ce jour, plus d’un demi-million de personnes ont été traitées pour des symptômes respiratoires ; les effets sur la santé à long terme restent inconnus.
DANS LES TRANCHÉES
Les autorités ont fait face à une tâche d’envergure dans la lutte contre les incendies, même avec le soutien international. En vue du risque persistant d’incendies à l’avenir, il est essentiel d’identifier les actions qui ont été efficaces et celles qui ne l’ont pas été.
Une question à étudier est le creusement de canaux ou de fossés.
« Le gouvernement creuse des fossés dans le but d’obtenir un accès à l’eau. Néanmoins, cette eau provient des tourbières », explique M. Verchot.
La tourbe est une matière organique qui repose dans une nappe phréatique proche de la surface. L’eau ralentit la décomposition, ce qui explique l’accumulation de la tourbe.
« Lorsque on creuse un fossé, toute l’eau s’échappe et s’écoule dans le fossé, ce qui signifie que la tourbe est plus sèche, sur une plus grande profondeur. Par conséquent, elle est plus inflammable », explique M. Verchot.
Verchot et d’autres chercheurs du CIFOR travaillent avec des experts de l’Université Palangka Raya du Kalimantan Central afin de mesurer les effets à long terme du drainage et des incendies sur les tourbières. Ils ont installé 22 outils sur le terrain, connus sous le nom de R-SET-MH, dans le but d’observer les changements sous terre au fil du temps.
« Nous voulons identifier la perte de carbone due au drainage et aux processus souterrains », déclare Sigit Sasmito, chercheur diplômé du CIFOR.
« Nous pouvons également mesurer les bénéfices de réhydrater les tourbières. »
Ces données fournissent un exemple de recherches pouvant fournir des stratégies pour surmonter le problème.
Toutefois, M. Verchot avertit que des solutions à long terme doivent être mises en place rapidement.
« Cet événement d’incendies et de fumée était totalement prévisible. Ce problème peut être résolu », dit-il.
« Une forte volonté politique est nécessaire. De nombreuses personnes devront faire des choses de manière différente. Il va falloir aider ces personnes à changer leurs actes ».
Le succès exigera plus qu’une simple application.
« Il est également nécessaire de créer des incitations et des possibilités pour les personnes de quitter les tourbières, tout en assurant leurs moyens de subsistance pour l’avenir de leurs familles », ajoute M. Verchot.
« Voilà de quoi il s’agit, c’est plus un sujet humain. Résoudre ce problème implique de mettre les hommes au cœur de la solution. »
LA QUESTION À UN MILLIARD DE DOLLARS
Les recherches indiquent que des millions de tonnes de dioxyde de carbone ont été émises lors des incendies en 1997-98, contribuant de manière significative au changement climatique. Cette année, le volume des émissions devrait figurer au deuxième rang parmi les plus pire taux d’émission de l’histoire.
Les délégués de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris chercheront à parvenir à un accord universel et juridiquement contraignant sur le climat, avec l’objectif de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C. Les forêts et l’utilisation des terres pourraient être inclues dans l’accord sous forme de la REDD+, acronyme pour la Réduction des Émissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts.
En 2010, la Norvège a promis de donner à l’Indonésie jusqu’à 1 milliard de dollars américain pour la REDD+.
Selon M. Verchot, l’Indonésie a pris des engagements forts en faveur de la REDD+, mais des réformes structurelles sont encore nécessaires et celles-ci nécessitent de l’argent.
« Il y a un milliard de dollars sur la table en ce moment de la part du gouvernement norvégien et ceci a certainement stimulé de nombreuses actions. Cependant, un milliard de dollars n’est pas beaucoup par rapport à la valeur de l’industrie des produits forestiers, l’industrie des pâtes et papiers et celle de l’huile de palme. C’est en fait très peu », souligne-t-il.
« Donc, sans la garantie à long terme d’un financement soutenu du mécanisme de REDD, afin d’atteindre ces objectifs, il va être difficile pour l’Indonésie de défendre ce dont elle a besoin pour investir dans toutes les réformes structurelles nécessaires pour obtenir ce résultat. »
L’Indonésie travaille avec des experts pour résoudre le problème. Dans un premier temps, le président Joko Widodo a enjoint au ministère de l’Environnement et des Forêts de ne pas délivrer de nouvelles licences pour l’exploitation des tourbières. Selon le président Widodo, la dynamique actuelle doit servir à empêcher des incendies futurs.
Verchot est du même avis.
« Si la crise passe et aucune action n’est entreprise, elle sera oubliée et l’occasion sera perdue », prévient-il.
« Selon un dicton : il ne faut jamais gaspiller une crise. Actuellement, la crise ici attire une attention considérable à cet enjeu tant au niveau national qu’international. »
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