La vision originale du programme pour la Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD+) était ambitieuse, mais pourtant simple: créer à la fois l’offre et la demande pour les crédits de carbone dans le secteur forestier, et ce, à une échelle significative.
Aujourd’hui, presque une décennie après que les gouvernements nationaux aillent reconnu les promesses du programme REDD+, comment s’en tire le concept ?
« Visiblement, il y a une certaine fragilité dans la performance de la REDD+ jusqu’à présent », déclare William Sunderlin, scientifique principal au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et auteur principal de la nouvelle étude portant sur l’état des initiatives de REDD+ infranationales à l’échelle mondiale.
Dans l’étude, Sunderlin est ses co-auteurs ont analysé 23 initiatives REDD+ infranationales, ou des projets et des programmes, dans six pays.
Ensemble, ces sites représentent environ la moitié de la superficie mondiale incluse dans les initiatives REDD+, et ils sont, selon Sunderlin, « là où les preuves du concept se concrétisent ».
Notre étude soulève plusieurs doutes concernant la possibilité pour la REDD+ de continuer sans que Paris ne parviennent à aucun accord international.
Les résultats ne sont pas tout à fait encourageant pour le concept original du programme REDD+.
« Les choses sont allées de l’avant de manière assez inégale », souligne Sunderlin. « Des 23 initiatives, seulement quatre ont atteint le point de vendre des crédits de carbone forestier, six ont cessé ou suspendu leurs opérations et trois autres ce sont eux-mêmes donnés un nouveau libellé très loin de la REDD+.
« Notre étude soulève plusieurs doutes concernant la possibilité pour la REDD+ de continuer selon ce qui était envisagé initialement sans que Paris ne parviennent à aucun accord international. »
QUEL EST LE LIEN AVEC PARIS DANS TOUT ÇA ?
Fin novembre, les négociateurs pour le climat vont converger vers Paris pour la Conférence annuelle des Parties (CdP ou plus connue sous l’abréviation COP en anglais) à la Convention-cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). Malgré que ce soit un événement annuel, toutes les CdPs ne sont pas créées de manière égale, n’ont pas la même envergure.
En 2009, la COP15, à Copenhague, échoua à parvenir à un accord international contraignant en matière d’atténuation, laissant ainsi les tentatives coordonnées à réduire les émissions, comme le concept de la REDD+, à leur sort.
En conséquence, plusieurs progrès de la REDD+ sont survenus à un niveau infranational. Des dizaines d’initiatives ont été lancées par le financement de start-up. Plusieurs ont ensuite évolué pour devenir des approches juridictionnelles plus larges afin d’atteindre un développement faible en émissions.
Mais la pierre angulaire de la vision sous-jacente de la REDD+, soit des flux financiers à grande échelle, a jusqu’ici échoué à émerger. Leur absence a été vivement ressentie par les partisans de la REDD+ interrogés dans l’étude de Sunderlin, qui ont perçu la « viabilité économique » comme l’un des deux plus importants défis.
Beaucoup d’autres, y compris le groupe Governors’ Climate and Forests Task Force (qui se concentre sur l’aspect juridictionnel de la REDD+), conviennent que ces flux financiers sont essentiels.
Et voici où la COP21 est appelée à jouer un rôle démesuré.
« Ce que les adeptes des initiatives de la REDD+ attendent, c’est un financement adéquat, stable et de longue durée pour procurer des incitations aux populations au niveau local afin qu’elles tiennent leur promesse de protéger les forêts », soutient Sunderlin.
« La meilleure façon pour stimuler ces fonds, c’est qu’il y ait un message global que, collectivement, les pays du monde entier sont de plus en plus sérieux au sujet de l’atténuation du changement climatique. »
Une telle déclaration pourrait stimuler les politiques et les mesures au niveau national qui sont nécessaires pour compléter les initiatives infranationales de la REDD+, dit-il.
« Cela pourrait également servir d’incitateur à la création de fonds, pas seulement à travers un marché pour les crédits forestiers, mais aussi par le biais fonds nationaux, et même infranationaux, de toutes sortes. »
En d’autres mots, un message fortement favorable à Paris pourrait faire basculer la REDD+ dans « l’orbite supérieur » initialement envisagé pour le programme, avec des flux financiers à grande échelle stimulant et soutenant la préservation des forêts dans le monde entier.
PLUSIEURS RIVIÈRES À TRAVERSER
Même avec un accord à Paris, il demeurera sans aucun doute des obstacles.
Prenez par exemple le régime foncier, l’autre principal défi identifié par les auteurs dans l’étude de Sunderlin.
« Un aspect que nous soulevons dans l’article est que le régime foncier et le contrôle des terres et des ressources forestières sont primordiales », a déclaré Sunderlin. « C’est le défi principal auquel les adeptes sont confrontés en essayant d’établir la REDD+ sur le terrain. »
Résoudre les problèmes du régime foncier et de la viabilité économique est évidemment essentiel pour les initiatives REDD+. Ces deux-là sont également liés.
« Le régime foncier et le financement pour la REDD+ sont les deux côtés de la même médaille », a déclaré Sunderlin. « Les forces favorisant la conversion des forêts, qui, dans la plupart des endroits demeurent ascendantes, ne pourront parvenir à leurs fins que si la règlement des régimes fonciers sont en leur faveur. »
Un accord international pourrait aider à résoudre l’hésitation des gouvernements au sujet de la REDD+, rapporte Sunderlin, en créant des incitations pour allouer une sécurité au niveau du régime foncier aux groupes qui favorisent le maintien des forêts durables.
LE RISQUE DE L’ÉCHEC
Mais il est également intéressant de se demander ce que seront les conséquences si COP21 ne parvient pas à produire un solide accord international pour faire face au changement climatique ?
« Échouer à parvenir à un accord cette année à Paris ne signifierait pas nécessairement la mort des mesures d’atténuation du changement climatique basées sur les forêts », a souligné Sunderlin.
Il serait vraiment regrettable si la situation déclinait au point où les gouvernements du monde entier échoueraient à parvenir à un accord.
En fait, comme il le souligne, certaines des tentatives les plus réussies et novatrices pour réduire la déforestation au cours de la dernière décennie sont attribuables à des éléments extérieurs au mandat de la REDD+. Ces efforts comprennent une application solide de la loi au sein des forêts du Brésil, qui a conduit à une réduction spectaculaire du taux de déforestation du pays de 2004 à 2012.
Mais un échec de la COP pourrait bien être désastreux pour la vision originale du programme REDD+, celle où il est perçu comme un acteur majeur et à grande échelle de l’atténuation basée sur les forêts.
« Nous avons détecté des signes de désintégration de la REDD+ sur le terrain, à travers à nos recherches », a déclaré Sunderlin.
« Toute les actions créatives sur le terrain pour faire fonctionner la REDD+ en l’absence d’un accord international démontrent ses limites. Maintenant, il faut un appui complémentaire à travers la diplomatie internationale.
« Il serait vraiment regrettable si la situation déclinait au point où les gouvernements du monde entier échoueraient à parvenir à un accord. »
SAVOIR QU’ON NE SAIT PAS TOUT
Un résultat positif à Paris serait « extrêmement utile » pour revitaliser la vision originale de la REDD+. Pourtant, même si d’importants flux financiers et des politiques de soutien émergent, il reste beaucoup à prouver concernant les contributions potentielles de la REDD+ aux efforts mondiaux d’atténuation.
« Même si nous, au CIFOR, sommes enthousiaste à l’idée de la REDD+ en tant qu’approche novatrice pour arrêter la déforestation, nous ne sommes pas encore convaincus que cela va fonctionner. Pourquoi? Parce qu’il s’agit encore du stade expérimental », a déclaré Sunderlin.
« Il reste à voir si ce nouveau système d’incitations serait effectivement en mesure de réaliser ce qu’il se propose de faire. Et il n’y a pas encore de preuves concluantes pour cela. »
En effet, la REDD+ n’a pas encore eu la chance de prouver quoi que ce soit au-delà du stade expérimental. Et tandis que la COP13 à Bali, en 2007, a reconnu la vision et a ouvert le bal pour la REDD+, l’idée fut en proie à l’incertitude et à l’hésitation entre temps.
Certains développements récents, comme un accord sur un cadre de la REDD+, semblent prometteurs. Mais seulement un accord contraignant à Paris pourra vraiment permettre à la REDD+ de faire partie du jeu.
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