Aires protégées : havre de biodiversité et puits de carbone sous une même canopée ?

« Le carbone pourrait apporter une valeur ajoutée aux activités de conservation de la biodiversité » .
, Friday, 27 Feb 2015
With new information at their disposal, agencies managing existing parks and reserves could justify how their work contributes to carbon sequestration Terry Sunderland/Foto CIFOR
Hutan Kamerun. Penelitian terbaru menunjukkan kapasitas besar hutan terlindung di negara Afrika Tengah menjadi tempat kaya keragaman hayati serta sekuestrasi karbon tingkat tinggi. Terry Sunderland/Foto CIFOR

Une forêt au Cameroun. De nouvelles recherches démontrent la capacité importante des forêts protégées dans ce pays d’Afrique centrale à héberger une grande diversité biologique, tout en assurant un niveau élevé de séquestration du carbone. Photo : Terry Sunderland/CIFOR

BOGOR, Indonésie — Quand un biologiste voit une forêt, il pense probablement au nombre d’espèces qu’elle héberge. Lorsqu’un climatologue voit une forêt, il pense sûrement à la quantité de carbone qui y est stockée. Hélas, ces deux points de vue se rencontrent rarement dans le cadre politique.

De récentes recherches menées dans la forêt de Kom-Mengamé au sud du Cameroun indiquent pourtant que ces deux disciplines devraient converger dans les parcs nationaux, réserves naturelles et autres zones protégées. Il est possible d’y trouver à la fois biodiversité et stockage du carbone. 

« Les aires protégées africaines stockent 49 gigatonnes de carbone, ce qui représente 13,7 % du total du continent », écrivent les auteurs du bilan de carbone établi pour Kom-Mengamé. « Il est clair que ces aires protégées pourraient jouer un rôle important dans l’atténuation du changement climatique, vu la grande quantité de carbone qu’elles stockent, en plus des bénéfices associés à la conservation de la biodiversité. »

Pour illustrer leur propos, les scientifiques ont échantillonné plus de 1 350 parcelles dans des forêts, marécages et champs au sein de la zone forestière de Kom-Mengamé. Celle-ci comprend une réserve de gorilles et un parc national, ainsi que des zones cultivées par des communautés locales.

Ils ont mesuré les arbres, puis calculé la quantité de carbone stockée dans leurs troncs et leurs branches.

« A l’échelle de la forêt, plus le nombre d’espèces d’arbres est élevé, plus la capacité de l’environnement à stocker du carbone est grande », déclare Evariste Fongnzossie, chercheur à l’Université de Douala et l’auteur principal du rapport. Dans l’ensemble, il on a constaté que la forêt protégée et ses environs stockent environ deux fois plus de carbone que la moyenne africaine estimée.

« On a souvent dit que la gestion des aires protégées pourrait faire partie de la REDD+ », un programme international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre issues de la déforestation, déclare Denis Sonwa, chercheur chevronné au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et co-auteur de l’évaluation du carbone faite à Kom-Mengamé. « L’objectif était de mettre des chiffres sur la réalité d’une zone protégée donnée. »

« LES ZONES PROTÉGÉES FONT FACE À DE VRAIES MENACES »

Les parcs et réserves ont été historiquement créés pour conserver la biodiversité, longtemps avant que les émissions de carbone ne soient devenues un enjeu international. Les débats se sont enflammés sur la question de savoir si ces zones doivent faire partie des efforts visant à lutter contre le changement climatique. Que savons-nous sur le carbone qu’elles stockent ? Ne sont-elles pas déjà protégées contre la déforestation ? L’allocation de ressources supplémentaires fera-t-elle une différence ?

« Les doutes sur leur inclusion sont dus à l’absence de données sur le stockage du carbone dans les zones protégées », déclare M. Fongnzossie. « Cette étude démontre que ces doutes ne sont pas justifiés et que les aires protégées font face à de réelles menaces de dégradation. »

Face à la croissance démographique et à la pression intense exercée sur les zones agricoles autour de nombreuses zones protégées, l’évaluation faite à Kom-Mengamé fournit des repères utiles sur la performance de stockage du carbone relative selon différents types d’utilisation des terres. Les champs agricoles atteignent bien évidemment les chiffres les plus faibles.

Néanmoins, cette évaluation suggère également des pistes pour aider les communautés agricoles et les réserves naturelles à cohabiter dans le même paysage : les plantations de cacao cultivées sous des arbres stockent plus de carbone que la moyenne africaine. Toutefois, elles ne sont pas aussi efficaces que les forêts naturelles.

« La structure d’une telle agroforêt de cacao est similaire à celle d’une forêt et peut servir de zone tampon dans le cadre de la gestion d’une aire protégée », affirme M. Sonwa.

« Nous donnons une idée des transferts de carbone associés aux divers changements de l’utilisation des terres. Ceci pourrait aider les gestionnaires d’une aire protégée à estimer l’évolution de son stockage de carbone », ajoute-t-il.

« LE CARBONE PEUT APPORTER UNE VALEUR AJOUTÉE »

Avec de telles informations à leur disposition, les organismes de gestion des parcs et réserves pourraient justifier en quoi leur travail contribue à la séquestration du carbone. Le stockage de carbone pourrait devenir un critère pour déterminer les limites des nouvelles aires protégées.

Puisque la forêt de Kom-Mengamé a été exploitée jusqu’en 2002, l’étude met également en évidence l’évolution du stockage du carbone lorsqu’une zone préalablement dégradée est protégée.

« Le carbone pourrait apporter une valeur ajoutée aux activités de conservation de la biodiversité », propose M. Sonwa. Ceci pourrait potentiellement permettre aux zones protégées d’accéder aux fonds alloués à l’atténuation du changement climatique.

Les négociations internationales ont commencé à intégrer ces deux aspects. Les discussions sur la REDD+, ainsi que les objectifs Aichi fixés par la Convention sur la diversité biologique, mentionnent également les deux aspects.

Au Cameroun, où le ministère des Forêts est séparé du ministère de l’Environnement en charge de la conservation de la biodiversité, des approches intégrées pourraient également être bénéfiques. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Bien que l’évaluation faite à Kom-Mengamé fournisse une image instantanée du stockage du carbone dans une zone protégée, ses auteurs reconnaissent que l’instauration d’un système continu de contrôle, de notification et de vérification (MRV) serait une première étape vers la reconnaissance de la zone comme un important puits de carbone.

Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter Denis Sonwa à l’adresse d.sonwa@cgiar.org.

Cette étude a été financée par l’Institut Jane Goodall / Projet de la Réserve de Gorilla Mengamé et par le Disney Wildlife Conservation Fund. La recherche du CIFOR sur les forêts et le changement climatique s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie

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