Charbon : des données sur la déforestation et les émissions enfouies sous les cendres

Comment transformer une vaste collection d'informations vagues et dispersées en chiffres concrets ?
, Wednesday, 11 Feb 2015
In Zambia, 90 percent of the population use charcoal for energy, creating a lucrative business venture and a major source of livelihoods.
Josephine Lungu, 47 years old, packing charcoal in Zuwalinyenga village. Zambiaâ??s forests risk becoming deserts in the next fifteen years going by the current rate of deforestation. 90 percent of the population use charcoal related sources of energy, thereby making charcoal burning a lucrative business venture and a major source of livelihoods. Ollivier Girard/CIFOR

Josephine Lungu empile du charbon de bois à Zuwalinyenga en Zambie. Étant donné que 90 % de la population utilisent le charbon de bois comme source principale d’énergie, les forêts du pays disparaissent peu à peu. Ollivier Girard/CIFOR

BOGOR, Indonésie — En Afrique, le charbon de bois vaut de l’or, dans la vie de tous les jours et comme moyen de subsistance.

Bien qu’il soit indispensable dans la cuisine de millions d’Africains des zones rurales, le charbon a un coût: le bois brûlé pour le fabriquer provient des forêts, ce qui génère des émissions de carbone considérables. Il est difficile d’obtenir des données sur les quantités exactes de charbon, mais cela pourrait changer.

Dans un rapport récent sur les progrès de la Zambie sur un programme international visant à réduire les émissions de carbone en évitant la déforestation (REDD+), les chercheurs de ce pays d’Afrique australe ont mis en évidence l’ampleur de la lacune de ces données.

« Il n’y a pas beaucoup de données sur le charbon principalement parce que nous n’avons pas étudié en détail son système de production », explique Davison Gumbo, un scientifique du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) en Zambie.

Sans faits concrets, toute tentative de calculer le dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère par l’industrie du charbon de bois en Afrique australe est réduite à des conjectures.

Les effets de l’industrie sur les forêts de la région sont tout aussi flous. Pour que la REDD+ soit efficace en Zambie et dans les pays limitrophes, il faut des données plus solides sur les « paysages du charbon ».

Mais comment peut-on transformer une vaste collection d’informations vagues et dispersées, souvent transmises de bouche à oreille, en chiffres concrets ?

Selon M. Gumbo, des initiatives ont été lancées pour répondre à ces questions. Toutefois, il faudra réaliser un travail dur et minutieux en terrain difficile et souvent éloigné. En outre, les outils utilisés habituellement pour les études sur les forêts risquent de ne pas être adaptés.

« Il y a beaucoup d’autres problèmes : le système de délivrance des permis et des licences, le commerce illicite ou encore la qualité de la production. Tous ces aspects ont finalement un effet sur la quantité de carbone émise dans l’atmosphère », déclare M. Gumbo.

« Nous devons trouver des manières de quantifier ces éléments, afin de disposer de données pour faire des estimations sur les émissions de carbone issues du charbon de bois. Nous cherchons déjà des moyens pour y parvenir et j’espère que certains de nos efforts aboutiront dans les prochains mois. »

LA TÉLÉDÉTECTION EST PEU UTILE

Même avec de bonnes conditions, il n’est pas facile de travailler en Afrique. La plupart des régions qui présentent un intérêt pour la REDD+ sont isolées, même selon les normes africaines. En outre, certaines des zones forestières s’étendent au-delà des frontières nationales. Certains des outils les plus communément utilisés par les chercheurs ne peuvent pas être utilisés dans ces milieux. La télédétection, largement utilisée pour surveiller les forêts tropicales, est notamment peu utile.

« Nos forêts d’Afrique australe ont tendance à être clairsemées et sèches. L’un des principaux outils pour étudier les forêts, la télédétection basée sur des images satellites, ne fonctionne pas très bien dans cet environnement particulier. Avec les méthodes actuelles de télédétection, il est très difficile de distinguer les terres agricoles des forêts clairsemées sèches. Elles se ressemblent beaucoup », explique M. Gumbo.

CALCULER LES ÉMISSIONS DE CARBONE

Cependant, ce problème commence lentement à être étudié.

Il faut quantifier la production en se référant, par exemple, à des paquets de charbon de bois ou au nombre de rondins. La valeur calorifique du bois doit être calculée, de même que la quantité de chaleur dégagée lorsque le bois est brûlé et, par conséquent, la quantité de dioxyde de carbone émise. Cette dernière peut néanmoins dépendre de la densité du bois. Le type de four influe également sur ces données. Il en est de même pour le diamètre des rondins : les grands rondins ont tendance à brûler davantage.

Le système zambien de délivrance des licences est aussi important. Selon la loi, les exploitants ont besoin d’un permis pour fabriquer du charbon de bois en Zambie. Dans la pratique, ceci n’est pas toujours respecté. En outre, les détenteurs de permis ont tendance à produire trois fois plus de charbon de bois que le montant autorisé pour rentabiliser le coût élevé de la licence.

En fin de compte, ce sont les populations locales qui sont les mieux placées pour sauver les forêts autour d'elles

David Gumbo

Il y a également une différence entre les personnes qui produisent à temps plein du charbon de bois de manière professionnelle et les celles qui le produisent en plus de leur activité principale, pour compléter leur agriculture de subsistance avec un apport d’argent. Souvent, ce deuxième groupe n’a pas une production de charbon très efficace, indique M. Gumbo.

Selon lui, pour que la REDD+ réussisse en Zambie et dans le reste de l’Afrique australe, il faut trouver un moyen de quantifier tous ces aspects et de les transformer en données qui peuvent être analysées. 

Cela a des implications pour les forêts de l’Afrique australe. Officieusement, les hommes coupent souvent les forêts autour de leur habitation, notamment pour produire du charbon de bois. Une fois qu’ils les ont coupées, ils prétendent que la terre leur appartient et tentent parfois de trouver une justification légale. La forêt diminue alors. 

Selon M. Gumbo, il existerait des moyens pour surveiller et quantifier la situation sur le terrain. Les drones peuvent être une option, si l’on mobilise suffisamment d’argent pour les acheter. La télédétection pourrait aussi être améliorée. De meilleures images permettraient en effet de faire des interprétations de ce type de milieu. Cependant, à court terme, il faudra un effort conséquent de suivi attentif sur le terrain.

Le plus important sera probablement de veiller à ce que les populations locales elles-mêmes soient impliquées, souligne M. Gumbo.

« En fin de compte, ce sont elles qui sont les mieux placées pour sauver les forêts autour d’elles. »

Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter Davison Gumbo à l’adresse d.gumbo@cgiar.org.

L’Étude Comparative Mondiale sur la REDD+ du CIFOR est soutenue en partie par le Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie ainsi que le NORAD, l’AusAID, le DFID et la Commission européenne.

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