BOGOR, Indonésie (16 novembre 2013) – Les scientifiques pourraient avoir une plus grande influence sur la politique du changement climatique si davantage de recherches démontraient comment les communautés s’adaptent déjà aux changements, plutôt que de se concentrer uniquement sur des projections à long terme, selon un scientifique du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Quand les décideurs politiques étudient la cinquième évaluation récemment publiée par le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) et envisagent des mesures d’adaptation à des conditions météorologiques plus extrêmes, prévues pour la fin du siècle, ils négligent les communautés qui sont déjà confrontées à la sécheresse, aux inondations, aux incendies et à des changements dans les variations saisonnières, estime Louis Verchot, directeur de recherche sur les forêts et l’environnement au CIFOR.
«Les scénarios du GIEC abordent souvent le changement climatique par une projection temporelle de 70 à 100 ans. Ils analysent les tendances à très long terme», dit-il. «Pourtant les tendances qui sont importantes pour les décideurs politiques et les gestionnaires fonciers se situent dans les 5, 10 ou 20 années à venir. Par conséquent, ces tendances à long terme sont en quelque sorte dénuées de sens à cette échelle», déclare M. Verchot.
«Quand vous parlez à un décideur politique d’un lapse de temps de 70 ans, il se dit: en théorie, je dois me faire élire demain, je vais donc me concentrer sur un problème qui va être résolu en cinq ans et laisser mes successeurs se préoccuper de ce qui se passera dans 70 ans.»
Lors du Forum mondial sur les paysages, qui se tient ce week-end à Varsovie en marge des négociations internationales sur la politique climatique, M. Verchot a co-dirigé un forum de discussion sur l’information climatique basée sur des preuves et destinée à la prise de décision politique, en réunissant des scientifiques issus de différents domaines d’expertise.
La session vise à orienter davantage la recherche sur la façon dont les communautés s’adaptent aux tendances à court terme du changement climatique. Elle vise aussi à discuter de la façon dont les découvertes scientifiques peuvent être présentées aux décideurs politiques de manière compatible avec les cadres temporels qu’ils jugent pertinents.
Une étude du CIFOR publiée en 2011, décrit par exemple comment des communautés d’élevage de bétail dans le Sahel – une bande de terre semi-aride qui s’étend de l’océan Atlantique à la mer Rouge en Afrique du Nord- ont fait face à des conditions météorologiques à moyen terme qui sont en contradiction avec les projections à long terme.
Autre exemple: après que les sécheresses des années 1970 et 80 aient asséché un lac malien dont dépendait une communauté pour donner à boire à son bétail, les migrations avec les troupeaux de bétail ont augmenté en conséquence. Dans cette culture, les hommes se déplacent avec les troupeaux, tandis que les femmes restent au village. Cette augmentation de la migration a fait peser un lourd fardeau sur les femmes, qui ont dû trouver d’autres moyens pour gagner leur vie. La rareté des ressources a conduit à une augmentation des conflits sociaux et à d’autres changements au sein de la société communautaire, de plus, une rébellion dans le nord du pays a agravé le problème.
Depuis les années 1990, les précipitations ont repris dans la région, mais avec une forte variabilité annuelle. «Dans un cas comme celui-ci, il est contreproductif de conseiller aux organismes soutenant ces communautés de travailler pour les aider à s’adapter à la tendance à l’assèchement sur un long terme. Vous devez leur conseiller de prendre des mesures qui les rendront plus adaptables aux fortes variabilité d’une année sur l’autre», déclare M. Verchot.
Pendant une période de précipitations supérieures à la moyenne, les stratégies de développement axées sur l’accroissement de l’adaptation à la sécheresse pourraient conduire à une mauvaise adaptation, une adaptation ayant des effets négatifs. Or les décideurs peuvent l’éviter si on leur donne la bonne information sur les tendances météorologiques à moyen terme, selon M. Verchot.
«Si nous réussissons à exprimer notre compréhension du changement climatique à une échelle temporelle plus appropriée, alors nous interagirons avec les problèmes d’aujourd’hui. Je pense qu’en tant que communauté scientifique, nous pouvons expliquer pourquoi le changement climatique est si important et pourquoi il est tellement plus important et insidieux que les gens comprennent à l’heure actuelle», affirme M. Verchot.
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Louis Verchot sur l.verchot@cgiar.org
Ces thèmes sont abordés ce week-end au Forum mondial sur les paysages (16-17 novembre) à l’occasion de la Conférence sur le changement climatique de l’ONU à Varsovie.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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