BOGOR, Indonésie (30 Mai 2013) – Des conflits fonciers entre les entreprises de production d’huile de palme et les communautés en Indonésie. Des squatteurs sans documentations de droits fonciers au Brésil. Des dirigeants locaux qui exploitent des pratiques traditionnelles pour obtenir des faveurs en Tanzanie. Une société agro-industrielle empiète sur un parc national au Cameroun. Des droits non-définis sur le carbone au Vietnam.
Ceci ne sont que quelques-uns des nombreux problèmes complexes de propriété foncière à travers le globe, et les promoteurs de projets REDD+ travaillent dur pour les résoudre.
Mais leurs efforts seuls ne sont pas suffisants pour établir une sécurité foncière, selon une étude réalisée par le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR).
« Dans la plupart des cas, les promoteurs tentent de résoudre, au niveau local, des problèmes fonciers dont les origines et la portée dépassent largement les limites du projet », explique William Sunderlin du CIFOR, principal auteur de l’article «Comment les promoteurs de la REDD + résolvent-ils les problèmes de propriété foncière?*».
La sécurité foncière est une condition nécessaire* au succès de la REDD+, un mécanisme proposé afin de réduire les émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts en offrant aux gestionnaires de terres des incitations conditionnelles pour préserver les forêts.
Si la question de la propriété des droits sur les forêts ou le carbone n’est pas claire, alors on ne sait pas qui est responsable de la réduction des émissions ou qui peut en réclamer les bénéfices. En outre, toute personne qui n’est pas sûr du régime foncier a peu d’intérêt à prendre part à des activités de REDD+. Ne pas clarifier la propriété foncière pourrait également provoquer une ruée vers les ressources de carbone forestier, mener à la violation des droits existants et endommager les moyens de subsistance locaux.
Terrain privé, défense d’entrer ?
Pour M. Sunderlin et ses collègues, le régime foncier de ceux qui vivent dans les forêts est particulièrement préoccupant, « car ce sont eux qui mettront en œuvre la REDD+ sur le terrain et qui seront les bénéficiaires ou les perdants de la méthode de mise en œuvre ».
Ce sont aussi eux qui travaillent avec les diverses organisations qui exécutent les projets pilotes dans les villages des pays riches en forêts. L’étude du CIFOR* a examiné le régime foncier dans 19 de ces sites de projets, englobant 71 villages au Brésil, au Cameroun, en Indonésie, en Tanzanie et au Vietnam. Les chercheurs ont interrogé les villageois sur leurs perceptions de leur régime foncier, et les promoteurs des projets sur leurs actions relatifves à la propriété foncière.
Plus de la moitié des villages interrogés ont déclaré que leur droit sur au moins une partie de leur terre était incertain. Ils ont cité la concurrence sur les terres, l’invasion et l’absence de titre comme certaines des principales raisons.
Pourtant « les revendications externes sur les terres forestières représentent les plus grandes menaces à la sécurité foncière », note M. Sunderlin. De nombreux villages ont du mal à tenir à l’écart des personnes de l’extérieur, telles que des villageois voisins, des colons, des sociétés d’exploitation forestière et des entreprises agro-industrielles.
Bien que les résidents de la plupart des villages estiment avoir le droit d’exclure des étrangers, la recherche sur le terrain a révélé que près d’un cinquième des villages n’avaient pas réussi à écarter des étrangers non désirés.
Généralement, les promoteurs de projets ont identifié encore plus de problèmes liés au régime foncier que la population locale, ne serait-ce que parce que les villageois sont d’avantage intéressés par leur bien-être, tandis que les promoteurs sont aussi préoccupés par la REDD+.
« Nos résultats de l’enquête suggèrent que les organismes des promoteurs prennent les problèmes de propriété foncière au sérieux », dit M. Sunderlin.
« Ils ont commencé à réduire l’insécurité foncière sur des sites de projet et ils ont mobilisé des ressources importantes pour résoudre le problème ».
Parmi les actions communes: s’attaquer aux causes des conflits, démarquer les limites du village et de la forêt à l’aide de la cartographie, élaborer des plans d’aménagement du territoire, identifier les détenteurs des droits juridiques et enregistrer des propriétés.
D’autres approches dépendent du contexte spécifique. En Tanzanie, certains promoteurs cherchent à obtenir des certificats pour les terres des villages pour renforcer la base juridique de la gestion communautaire des forêts. Un projet en Indonésie vise à obtenir du gouvernement un statut de hutan desa (village forestier), qui donne aux villages des droits statutaires relativement forts et constitue un rempart contre les intervenants extérieurs.
Une lutte acharnée
Cependant, malgré leurs progrès, aucun des promoteurs ne pense que le travail est terminé.
« Dans certains projets il y a de l’optimisme, l’insécurité foncière est en bonne voie d’être résolue », dit M. Sunderlin. « Mais d’autres voient les défis importants qui restent à surmonter. »
Et ils ont raison de penser ainsi, selon les auteurs, d’autant plus que les promoteurs agissent de leur propre initiative et avec peu d’aide extérieure.
«La plupart des promoteurs connaissent une disparité considérable entre les outils utilisés et l’envergure des défis liés au régime foncier», dit M. Sunderlin.
« Dans de nombreux cas, les meilleurs remèdes ne peuvent pas être les efforts isolés de clarification du régime foncier dans les limites du projet, mais ils exigent plutôt de larges réformes à l’échelle du paysage. »
Ceci exigera une action urgente de la part des gouvernements nationaux et une meilleure intégration des efforts nationaux et locaux, selon les auteurs. Les donateurs peuvent aussi soutenir les efforts déployés en affectant des fonds spécifiques pour les questions foncières.
La liste des devoirs recommandés est longue et onéreuse : les gouvernements doivent améliorer les consultations, clarifier les revendications territoriales, rendre les données accessibles au public, faire respecter les lois et parvenir à une clarté sur les droits de carbone, entre autres.
Pour les promoteurs, l’ampleur du problème et la pertinence des solutions ne seront probablement pas révélées jusqu’à ce que la REDD+ soit bien avancée.
«Les promoteurs sont invités à anticiper d’autres complications qui pourraient survenir lors de la mise en place de la REDD+ à une plus large échelle», explique M. Sunderlin.
«Ils peuvent partir de l’hypothèse que, dans de nombreux cas, la REDD+ sera mise en œuvre dans des points potentiellement chauds, où les conflits et le manque de clarté du régime foncier sont la norme.»
* Liens non-traduits en français
Ce travail fait partie de l’Étude Comparative Mondiale du CIFOR sur la REDD + et a été réalisé dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie. Il est soutenu par AusAid, le Ministère Britannique du Développement International (DFID) et l’Agence Norvégienne de Coopération pour le Développement (NORAD).
We want you to share Forests News content, which is licensed under Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0). This means you are free to redistribute our material for non-commercial purposes. All we ask is that you give Forests News appropriate credit and link to the original Forests News content, indicate if changes were made, and distribute your contributions under the same Creative Commons license. You must notify Forests News if you repost, reprint or reuse our materials by contacting forestsnews@cifor-icraf.org.