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Vers un échange panafricain sur la restauration des paysages forestiers

Le Cameroun et Madagascar ouvrent la voie
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Participants studying agro-sylvo-pastoral techniques at a farm in Boeny.

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Par Malin Elsen, Sven Schuppener, Désiré Tchigankong et Joary Niaina Andriamiharimanana

L’Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD) pilote actuellement des échanges ciblés entre les pays membres de l’Initiative pour la Restauration des Paysages Forestiers Africains (AFR100) pour encourager l’apprentissage par les pairs sur la Restauration des Paysages Forestiers (RPF). « Le Cameroun est en train d’élaborer sa stratégie nationale RPF et notre rôle en tant que secrétariat de l’AFR100 est de soutenir ce processus », explique Mamadou Diakhité de l’AUDA-NEPAD.

Madagascar est un pair idéal pour le Cameroun : Le pays insulaire a été le pionnier du mouvement de restauration en finalisant sa stratégie nationale en 2017 et en faisant progresser la gouvernance multisectorielle et multiniveaux sur le terrain. Pour tenir son engagement de restaurer 4 millions d’hectares de terres dégradées, Madagascar a établi un dialogue intersectoriel entre les ministères et partenaires concernés et a élaboré des documents cadres pour la mise en œuvre de la restauration.

Bassins versants et mangroves

Les bassins versants nord-ouest et les mangroves de Boeny ont été les premiers sites que la délégation camerouanise a inspecté. En descendant les collines rocheuses reboisées par les agriculteurs en amont, et en pataugeant dans la boue glissante entre les jeunes plants de mangroves, Mamy Arthur Randriamanana, acteur de la restauration des forêts de mangroves et pêcheur local, fait remarquer que les populations de crabes se déplacent très rapidement. Il affirme que « les populations de crabes qui sont si essentielles à la survie des pêcheries locales, sont revenues six mois après que nous ayons restauré ces mangroves ». Jean Jacques Jaozandry du Ministère de l’Environnement apprécie les questions des Camerounais. « L’échange nous aide à aller de l’avant en travaillant à la surveillance de ces services écosystémiques pour les pêcheurs locaux ».

Gestion intégrée de la restauration

Pour Valérie Ramahavalisoa, responsable du service des bassins versants et de la conservation des sols, la visite à Boeny confirme qu’une approche paysage est indispensable pour la mise à l’échelle durable des approches de restauration existantes. « Il est vrai que des interventions ponctuelles peuvent donner des résultats, mais si nous intensifions notre riziculture dans les vallées sans protéger la source d’eau et les collines en amont, les cultures finiront par être envasée à cause de l’érosion du sol ». Elle explique et ajoute que « c’est l’avantage de penser dans une approche paysage ».

« Au Cameroun, nous devrons impliquer tous les secteurs et pas seulement l’environnement et les forêt. Le régime foncier et planification du territoire, l’agriculture, l’élevage, toutes ces questions exigent une approche intégrée », explique Christophe Bring, point focal national de la RPF au Cameroun. “C’est ce qui est devenu clair pour nous à Madagascar ». C’est pourquoi, a-t-il annoncé, le Cameroun doit passer de la « Restauration des paysages forestiers » à la « Restauration des paysages et des forêts ».

Progrès de la stratégie nationale RPF du Cameroun

Les échanges à Boeny et Tana ont permis à la délégation camerounaise de se poser les questions clés pour l’élaboration de leur stratégie : toutes les données nécessaires sont-elles disponibles ? Comment intégrer les différentes zones agroécologiques du Cameroun dans une approche de gestion de la restauration?

Bring estime que « le grand défi pour le Cameroun est d’inclure dans sa stratégie différents outils liés à l’environnement, à la forêt, à l’aménagement du territoire et à la réduction de la pauvreté ». Les débats ont abouti à des appels nocturnes et aux modifcation de dernière minute de la stratégie camerounaise. Les experts malgaches ont accompagné ces discussions en partageant leur expérience lorsqu’il fallait établir une vision commune et intégrer la resturation dans les budgets de chaque ministère.

Les experts des deux pays ont convenu que les données disponibles suffiraient à finaliser la stratégie nationale du Cameroun, mais que la gouvernance et la gestion du territoire requièrent plus d’attention. Le groupe a identifié la sécurité foncière et l’aménagement du territoire comme les deux pierres angulaires de la réussite de la mise en oeurve des activités de restauration: des conditions d’occupation et d’aménagement du territoire favorables « accélèrent les actions RPF à grande échelle et devraient être promues par des comités nationaux et régionaux de RPF », estime Mme. Rajenarison, chef du Département du développement au Ministère malgache de l’aménagement du territoire.

Vers un échange panafricain sur la restauration

« Je suis satisfait de ce premier échange, mais je suis sûr que nous pouvons le rendre encore plus productif », déclare Julien Noel Rakotoarisoa, point focal national RPF de Madagascar. Les équipes camerounaise et malgache recommandent d’identifier les problèmes communs aux pays de l’AFR100 en vue d’organiser un prochain échange pour intensifier les discussions techniques. « Comment les initiatives de reboisement individuelles peuvent-elles être renforcées au niveau communautaire, sécurisées sur le long terme et devenir économiquement viables pour interesser les jeunes – toutes ces questions doivent trouver une réponse », ajoute Jules Leonel Tadong Saa du Ministère de l’économie de la plannification et de l’aménagement et du territoire du Cameroun.

Pour Mikhaïl Nelson Mvongo Mkene du Ministère camerounais des Forêts et de la Faune, cet échange Sud-Sud entre les pays de l’AFR100 est une réelle opportunité pour concevoir des projets commun de restauration. Les similitudes entre les enjeux et les problèmes de chaque pays, comme la gestion durable des pâturages et des feu de brousse, devraient conduire à la formulation de projet commun par les promoteurs de la RPF des deux pays.

Plus généralement, mettre en place une plate-forme d’échanges Sud-Sud pourra servir d’accélérateur d’idées techniques et d’engagement politique. Ces échanges thématiques et autres formes d’apprentissage entre pairs devraient être gérés et encouragés par le secrétariat de la restauration à l’AUDA-NEPAD. Cela pourrait inclure la création d’un pool d’experts en restauration aux niveaux national, régional et local. « On pourait associer des spécialistes d’un pays avec des collègues intéressés d’un autre pays. Ainsi, un spécialiste de la gestion des feux de brousse, par exemple, pourrait partager ses connaissances techniques et spécifiques », conclut Malin Elsen de GIZ. Elle et ses collègues pensent que ces experts pourraient élaborer des solutions pratiques et accompagner les décideurs d’autres pays pour faire avancer le processus.

Publication originale : AFR100

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