« Les forêts ne peuvent être maintenues si les populations ont faim » : les futures négociations sur le changement climatique devraient inclure l’agriculture

L’agriculture sera très probablement incluse dans les futures négociations sur le réchauffement planétaire, ont déclaré les experts durant les négociations de l’ONU sur le changement climatique, à Durban, ce qui pourrait contribuer à la lutte contre l’un des principaux facteurs de la déforestation, dans un contexte de pic de la demande en terres arables.
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Jusqu’à récemment, la plupart de ces collines de la campagne burundaise étaient complètement recouvertes de forêts. Crédit photo : Jane Boles/flickr.

DURBAN, Afrique du Sud (8 décembre, 2011)_L’agriculture sera très probablement incluse dans les futures négociations sur le réchauffement planétaire, ont déclaré les experts durant les négociations de l’ONU sur le changement climatique, à Durban, ce qui pourrait contribuer à la lutte contre l’un des principaux facteurs de la déforestation, dans un contexte de pic de la demande en terres arables.

Tina Joemat-Pettersson, la ministre sud-africaine de l’agriculture, des forêts et de la pêche, « va remettre une lettre aux négociateurs de la COP 17 », a déclaré Rachel Kyte, vice-présidente du Département développement durable à la Banque mondiale lors de la cinquième Journée de la forêt, organisée à Durban durant la seconde semaine du sommet de l’ONU sur le climat. Elle a demandé à ce que les négociateurs approuvent « au minimum, une décision d’établir un programme de travail sur l’agriculture, sous l’égide du SBSTA, sans laquelle il ne devrait pas y avoir d’accord ». Le SBSTA est un sous-comité scientifique de la CCNUCC.

Le projet de texte du SBSTA mentionne les facteurs de la déforestation, a indiqué Antonio La Viña lors de la cinquième Journée de la forêt. Le sous-comité a accepté d’organiser une grande discussion lors de la prochaine COP, qui aura lieu en 2012 au Qatar, afin d’établir un programme en matière d’agriculture, a-t-il ajouté.

Dans le monde entier, les forêts subissent des pressions accrues en raison de l’augmentation de la demande en terres pour nourrir une population mondiale en plein essor, qui devrait atteindre les 9 milliards d’habitants d’ici à 2050. Les forêts sont des filets de sécurité indispensables pour les populations qui se battent pour éviter la faim en période de stress économique et climatique, mais cette capacité est menacée par la culture intensive, l’importante demande en énergie, l’érosion et l’appauvrissement nutritif des sols dus aux pratiques agricoles.

Les pratiques non durables de gestion des terres ont également contribué à la désertification rampante en Afrique subsaharienne, et joué un rôle majeur dans la famine qui ravage actuellement la Corne de l’Afrique et menace les forêts sèches restantes de la région.

« Les forêts ne peuvent être maintenues si les populations ont faim », a affirmé Rachel Kyte. « La faim pèse directement sur les forêts lorsque les populations sont obligées de s’enfoncer davantage dans les zones forestières pour effectuer leurs cultures, et lorsque la faim et la pauvreté frappent les populations, celles-ci se tournent vers la production et la vente de charbon pour pouvoir acheter de la nourriture, à un rythme plus rapide que le taux naturel de régénération de la forêt. »

Un récent rapport de la FAO identifie les principales difficultés à équilibrer les pressions concurrentielles sur le système alimentaire mondial et appelle à une approche intégrée de la sécurité alimentaire en mettant l’accent sur une « agriculture intelligente sur le plan climatique ». Mais cela ne peut être réalisé sans les forêts, a renchéri Frances Seymour, directrice générale du Centre de recherche forestière internationale.

« Un important facteur largement sous-estimé est le rôle des forêts dans la fourniture de services des écosystèmes qui sous-tendent l’agriculture conventionnelle, à savoir les services hydrologiques et la pollinisation, offerts gratuitement par les forêts. Alors que l’agriculture et la sécurité alimentaire font l’objet d’une attention internationale accrue, les forêts seront également prises en compte », a-t-elle ajouté.

Alors que la disparition de pans entiers de forêt réduit la capacité des populations et des espèces sauvages à s’adapter au changement climatique, le plus grand consortium mondial de chercheurs agricoles a lancé cette semaine un programme mondial de recherche consacré aux forêts et à l’agroforesterie. Doté de 233 millions de dollars, le programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie a pour objectif d’aider les pays à élargir leur champ d’action, centré sur les forêts tropicales denses, vers des paysages forestiers agricoles mixtes où les hommes et les arbres seront davantage en contact.

« C’est ce que nous appelons le triple bénéfice : atténuer le changement climatique en renforçant les capacités de résilience des systèmes agricoles et forestiers tout en augmentant les rendements et les revenus. Les agriculteurs comprennent déjà que la plantation d’arbres dans leurs exploitations peut contribuer à engraisser leur bétail, à faire barrière aux rafales de vent et à améliorer l’état des sols », a précisé Rachel Kyte.

« Et dans quelques années, ces arbres fourniront du bois de chauffage pour servir à un usage domestique ou être vendu. Notre mission est de soutenir, à l’échelle nationale et internationale, les politiques qui encouragent ce genre de pratique, sur la base de données scientifiques fiables et le bon sens. »

Les initiatives d’atténuation et d’adaptation, en particulier dans les secteurs forestier et agricole, ne réussiront que si elles favorisent les pauvres, a poursuivi la spécialiste.

« Nous pouvons essayer de circonscrire les forêts ou d’interdire le charbon, mais tant que les questions liées à l’accès à la terre, à la productivité des cultures, au coût abordable de l’énergie et à l’extrême pauvreté n’auront pas été traitées, tous nos efforts seront vains. »

Selon elle, la communauté climatique mondiale doit proposer des solutions viables et intégrées qui fonctionnent pour les populations sur le terrain. Tant que celles-ci ne bénéficieront pas de la protection des bassins versants, de rendements accrus des cultures et de revenus plus élevés, ou qu’elles ne pourront vivre sans une plus grande résilience au climat, les plans carbone les mieux conçus échoueront.

« Nous devons agir maintenant, et si nous le faisons de manière déterminée, nous pouvons rompre les cercles vicieux et commencer à investir dans des programmes de restauration des paysages et de réduction de la pauvreté qui offriront ce triple bénéfice. »

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