Quelle perception les enfants ont-ils de la forêt? Etude instructive à Bornéo

Vu à travers des yeux d’enfants, l'avenir de Bornéo est sombre. Dans une étude publiée récemment, menée en partie par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), on a demandé à 247 enfants âgés de 10 à 15 ans, vivant dans les provinces indonésiennes de Kalimantan oriental et occidental, de dessiner le présent et l'avenir de leur environnement.
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BOGOR, Indonésie — Du point de vue des enfants, l’avenir de Bornéo est sombre.

Dans une étude publiée récemment, menée en partie par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), on a demandé à 247 enfants âgés de 10 à 15 ans et vivant dans les provinces indonésiennes de Kalimantan oriental et occidental, de dessiner leur environnement présent et à venir. Les dessins des enfants prédisent une diminution alarmante de la faune sauvage, des zones forestières et des services environnementaux.

La recherche a révélé d’autres résultats intrigants: les enfants qui vivent dans les paysages les plus densément boisés prédisent une dégradation plus faible des conditions environnementales au cours des 15 prochaines années. Selon eux, les forêts, l’eau salubre et la faune sauvage resteront en grande partie préservées.

«A part les papillons, on verra peu d’animaux. Il n’y aura plus d’oiseaux ni de singes parce que la forêt aura disparu.»

Dans les zones de forte déforestation, les enfants s’attendent à ce que la faune et les forêts disparaissent complètement.

«Ces enfants ont une compréhension approfondie et sont conscients des enjeux environnementaux ainsi que des interactions entre les différents facteurs environnementaux», déclare Anne-Sophie Pellier, auteur principal de l’étude.

«Les enfants ont souvent cité des activités humaines spécifiques comme cause principale de l’épuisement des ressources telles que l’eau salubre, l’air frais, la faune sauvage et les écosystèmes forestiers. Les enfants pensent également que cette destruction se traduira par une hausse alarmante des catastrophes naturelles, la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que l’augmentation des températures», dit-elle.

30% DE PERTES FORESTIÈRES

La recherche a révélé que, selon les enfants, les principales causes de la destruction des forêts et de la multiplication des catastrophes environnementales seraient les plantations de palmiers à huile, l’exploitation forestière illégale, l’exploitation minière et la construction de routes.

«A Bornéo, les enfants grandissent de plus en plus dans des paysages dominés par l’homme qui se développent au détriment de la biodiversité et des services forestiers, et [qui] ont un impact négatif sur le bien-être des communautés», déclare Mme Pellier.

L’île de Bornéo – partagée par l’Indonésie, la Malaisie et le Brunei – a subi des taux élevés de déforestation. Une étude récente, menée par David Gaveau du CIFOR également co-auteur de l’étude sur les enfants, a constaté que l’île a perdu environ 30% de sa superficie forestière depuis les années 1970. La faute en grande partie à l’expansion rapide des industries agricoles et extractives – ainsi que les routes pour les soutenir.

L’étude fait partie du projet de recherche Borneo Futures, visant à éclairer la façon dont les forêts et les terres de l’île pourraient être gérées de manière plus adaptée.

Saisir les points de vue des habitants sur l’utilisation et les valeurs de la forêt est l’une des composantes clés de la recherche. Les chercheurs utilisent ces résultats pour évaluer les facteurs socio-économiques et environnementaux sous-jacents qui influent sur ces perceptions. Les perceptions des enfants sont considérées comme partie intégrante de cette recherche.

«Les enfants sont la génération responsable de l’état futur de l’environnement et de leur bien-être, il est important de comprendre ce qu’ils perçoivent», a expliqué Mme Pellier à Nouvelles des Forêts l’an dernier.

L’aspect le plus inquiétant de la situation à Bornéo, selon Mme Pellier, serait que les enfants perçoivent leur environnement dégradé actuel comme la norme (connu en anglais sous le terme de shifting baseline syndrome, syndrome du déplacement des références de base). Toutefois, l’étude semble montrer que ceci n’est pas encore le cas. Selon Mme Pellier, «les enfants semblent bien conscients de l’état de leur environnement dans le passé. Et ils sont préoccupés.»

IMAGES DE LA FORÊT

Dans le cadre de l’étude, des enfants de 22 villages ont dessiné chacun deux images – une pour illustrer leurs impressions actuelles de la forêt et de sa faune, une autre pour décrire la façon dont ils imaginent son avenir.

«Le dessin est un bon moyen méthodologique pour saisir les perceptions des enfants, surtout quand ils sont trop timides pour écrire, incapable d’écrire ou ne peuvent pas mettre leurs pensées en mots», a déclaré Mme Pellier en 2013.

Les commentaires des enfants sur leurs dessins ont également été enregistrés. Ils ne sont pas encourageants.

«La température de l’air deviendra plus chaude, il n’y aura plus d’arbres pour arrêter l’érosion du sol et les inondations», dit l’un.

Selon un autre enfant, «les animaux sauvages auront également disparu parce qu’ils sont trop souvent chassés par des gens qui ne prennent pas leurs responsabilités, en plus ils vont perdre leurs territoires.»

Dans l’ensemble, Mme Pellier dit être surprise de la lucidité avec laquelle les enfants distinguent les ressources naturelles et leurs fonctions. «Les forêts donnent de l’oxygène et fournissent des plantes médicinales, des fruits, des graines, du miel et du bois», a expliqué un groupe d’enfants.

«LE PLUS GRAND INTÉRÊT»

L’équipe du projet Borneo Futures, dirigée par le scientifique Erik Meijaard, un associé du CIFOR, espère que cette recherche permettra de mieux intégrer les voix des populations locales dans les décisions politiques du gouvernement.

«Comprendre ce qui façonne les points de vue de l’environnement chez les enfants, ainsi que la façon dont ils perçoivent les compromis entre le développement économique et les changements sociaux et environnementaux pourrait aider à éclairer les politiques d’aménagement du territoire», a déclaré M. Meijaard l’an dernier.

L’étude peut également informer les programmes d’éducation et de sensibilisation visant à renforcer les comportements positifs envers l’environnement, a ajouté Mme Pellier.

Les chercheurs soulignent l’importance d’intégrer ces perceptions inter-générationnelles dans la politique environnementale, ainsi que dans la prise de décision aux niveaux local et national.

«Les enfants ont, en moyenne, une vie plus longue devant eux et le plus grand intérêt à lutter contre les problèmes environnementaux pour assurer la durabilité des ressources naturelles», déclare Mme Pellier.

«Nous devrions les écouter.»

L’étude, «À travers les yeux d’enfants: perceptions des changements environnementaux à Bornéo», a été publiée dans la revue PLoS ONE en libre accès.

Pour plus d’informations sur les sujets de cette recherche, veuillez contacter Anne-Sophie Pellier sur pellier.annesophie@gmail.com ; Erik Meijaard sur atemeijaard@gmail.com ; ou David Gaveau sur d.gaveau@cgiar.org. 

Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie. Il est soutenu par le programme de recherche Forêts et Environnement de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID), ainsi que la Fondation Arcus.

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