L’accès aux forêts domaniales est essentiel pour les petits exploitants ruraux

Une étude mondiale sur la relation entre le revenu et le régime foncier relatifs aux forêts a constaté que les forêts domaniales génèrent plus de revenus pour les petits exploitants ruraux que les forêts privées ou communautaires.
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Mujer campesina corta pequeños arbustos con un machete en la provincia de Orellana, Ecuador. Nuevo estudio explora como la tenencia de los bosques afecta la habilidad de los hogares rurales de generar ingresos de los bosques. Foto: Tomas Munita/CIFOR

Une villageoise coupe des petits arbres avec une machette dans la province équatorienne d’Orellana. Une nouvelle étude explore comment la tenure forestière influe sur la capacité des ménages ruraux à générer des revenus des forêts. Photo: Tomas Munita/CIFOR

BOGOR, Indonésie — Une étude mondiale sur la relation entre le revenu et le régime foncier des forêts a constaté que les forêts domaniales génèrent plus de revenus pour les petits exploitants ruraux que les forêts privées ou communautaires.

«Ces résultats sont inattendus car beaucoup de documentation soulignent que les forêts communautaires sont plus importantes, en particulier pour les pauvres», déclare Pam Jagger, auteur principal et chercheur à l’Université de Caroline du Nord. «De nombreuses personnes sont surprises d’apprendre que les forêts appartenant à l’État pourraient engendrer plus de revenus à la fois par hectare et par ménage. Mais nous faisons confiance à nos résultats, même dans des contextes très hétérogènes.»

L’étude a examiné l’influence de la propriété forestière officielle, le niveau d’application des règles et l’importance du chevauchement des droits aux revenus provenant des forêts. D’autres résultats importants indiquent que l’application des règles tend à restreindre l’accès aux forêts communautaires, tout en baissant les revenus. En outre, les systèmes de chevauchement des droits sur les forêts domaniales peuvent réduire la pauvreté dans certains contextes.

«Les résultats vont surprendre beaucoup de personnes», déclare le co-auteur Marty Luckert, chercheur à l’Université d’Alberta. «Pourtant, les faits ont émergé de manière cohérente à partir de toute cette variabilité.»

L’étude globale est le produit du Réseau Pauvreté et Environnement (PEN), un effort de collaboration mené par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR). Il s’agit du plus vaste projet mondial de recherche comparative et quantitative à ce jour sur les forêts et moyens de subsistance en milieu rural, analysant les données recueillies auprès d’environ 8000 ménages dans 24 pays en voie de développement.

«Régime foncier et revenu forestier: observations d’une étude mondiale sur les forêts et la pauvreté» est l’un des cinq documents initiaux issus de cette étude globale. Les autres documents abordent les thèmes suivants: génération de revenus et moyens de subsistance en milieu rural; les forêts en tant que filets de sécurité; déboisement et moyens de subsistance; égalité des sexes et utilisation des forêts. Les articles sont publiés dans un numéro spécial de World Development à côté d’une étude de cas PEN et de six études qui ne proviennent pas du PEN, allant du niveau local à des analyses à l’échelle nationale.

Compromis ou synergies

En citant des travaux datant de 2002, les chercheurs soulignent que les questions foncières ont longtemps alimenté les débats sur les meilleures façons d’améliorer les moyens de subsistance et de promouvoir la gestion durable des forêts. Les questions critiques portent sur qui devrait posséder les forêts, les conséquences des créances contestées, ainsi que le degré du suivi et de l’application des droits de propriété.

L’étude examine comment la tenure forestière influe sur la capacité des ménages ruraux à générer des revenus de la forêt. «Si l’objectif est que les forêts agissent comme un filet de sécurité pour les petits exploitants pauvres, alors les arrangements pour qu’ils puissent accéder à la richesse de la forêt sont prépondérants», déclare M. Luckert. «Les systèmes ayant des droits très développés, qui visent à exclure des gens, n’accordent pas cet accès.»

«D’ailleurs, lorsque l’application des lois et l’exclusion sont moins importants, les incitations à investir sont différentes. S’il n’y a pas d’investissements, mais uniquement de l’extraction, les répercussions sur la durabilité peuvent être graves, en fonction de l’écosystème et de l’utilisation.»

Subsistance versus revenu monétaire

Dans leurs sites d’étude, les chercheurs ont constaté que les forêts domaniales représentent 69% des zones forestières auxquelles les petits exploitants ruraux ont accès. De plus, à l’échelle des ménages, les forêts domaniales génèrent plus de revenus monétaires issus des forêts que les forêts privées ou communautaires. En effet, dans les forêts communautaires, 80% des revenus du ménage tirés de la forêt, sur une base en hectare, sont utilisés pour la subsistance.

«Les forêts communautaires sont souvent établies dans des zones marginales ou très dégradées par rapport aux forêts domaniales. Ces dernières peuvent être partiellement ou entièrement protégées en raison de leurs valeurs plus élevées du bois, de la biodiversité et autres», déclare Mme Jagger. «Il est donc logique que les forêts domaniales génèrent plus de revenus. Face à la pression du milieu politique de déléguer la gestion forestière aux communautés et aux individus, il est important de considérer les implications pour les personnes qui perdent l’accès aux produits forestiers provenant des forêts domaniales.»

L’étude a mis en évidence quelques surprises quant à l’application des règles. Les chercheurs s’attendaient à constater que les communautés et les propriétaires de forêts privées appliquent des règles pour lutter contre la dégradation des forêts et pour protéger les moyens de subsistance. En fait, les mesures prises pour appliquer les règles dans les forêts communautaires semblent restreindre leur accessibilité, ce qui réduit d’ores et déjà les revenus.

«L’application des lois est généralement mauvaise pour les revenus issus des forêts dans le court terme», déclare Mme Jagger. «Il est logique que les revenus augmentent lorsque plus de personnes sont autorisées à prendre ce qu’elles veulent sans qu’on ne les arrête. Néanmoins, ce n’est pas en contradiction avec la littérature qui indique que la gestion forestière serait améliorée par l’application plus stricte des lois. Il s’agit d’un compromis: un niveau supérieur de gestion durable peut entraver l’accès et limiter ainsi les revenus.» Trouver un équilibre avec des conséquences positives pour les moyens de subsistance et pour la gestion durable est un défi majeur pour les décideurs politiques.

Mme Jagger souligne le fait que l’étude ne mesure que les revenus à court terme. Il est possible que certaines communautés aient imposé des règles pour permettre aux forêts de se régénérer, ce qui suggère qu’ils adoptent une perspective de gestion forestière à moyen terme.

Chevauchement de droits

Les chercheurs ont également constaté que le chevauchement de droits (les utilisateurs locaux des ressources ont par exemple un accès au moins partiel aux forêts domaniales) était important pour maintenir les revenus issus des forêts des petits exploitants. Bien que ce résultat fût attendu, il prend plus de poids étant donné l’importance surprenante des forêts domaniales pour les revenus monétaires.

«Résoudre les réclamations contestées est évidemment important. Toutefois, dans certains contextes, les systèmes de chevauchement des droits forestiers peuvent fonctionner en faveur des petits exploitants, en aidant à réduire la pauvreté», explique Mme Jagger. «Les réformes du régime foncier visant à éliminer les droits qui se chevauchent auront probablement des conséquences négatives pour certains.»

Tandis que ce document traite du revenu forestier et du régime foncier au niveau des villages, une étude de suivi examine comment le régime foncier affecte les sous-groupes des ménages, y compris les minorités ethniques, les femmes et les pauvres. Les chercheurs proposent plusieurs autres domaines pour des travaux futurs: une recherche comparative qui mette l’accent sur les situations dans lesquelles les forêts domaniales, communautaires et privées existent en parallèle; des études longitudinales sur les compromis et synergies entre la durabilité des forêts et les revenus provenant des forêts.

Ils sont également prêts à écouter les détracteurs.

«Il existe un ensemble d’organismes de défense des droits qui plaident fortement pour la dévolution du secteur forestier, pour une application accrue des lois et pour des droits de propriété clairs», déclare Mme Jagger.

M. Luckert ajoute: «Bien que ces impulsions puissent contribuer à la durabilité à long terme, en améliorant potentiellement les moyens de subsistance pour ceux détenant l’accès, de telles mesures pourraient avoir de graves répercussions sur les moyens de subsistance des ruraux pauvres à court terme.»

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Pam Jagger sur pjagger@unc.edu.

Le soutien financier pour l’étude globale a été fourni par ESRC-DFID, DANIDA, USAID (BASIS-CRSP), IFS ainsi que le Programme de Recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie (CRP-FTA).

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