Chronique du DG

Un rapport propose des Objectifs de Développement Durable: quel lien entre les forêts et les paysages ?

Un rapport du Groupe d’experts de haut niveau de l’ONU sur le Programme de développement post-2015 remis à Ban Ki Moon le 30 mai formule des propositions concrètes d’Objectifs de développement durable.
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Le 30 mai 2013, le rapport du Groupe d’experts de haut niveau de l’ONU sur le Programme de développement post-2015 a été remis à Ban Ki-Moon par le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono. Ce rapport est un prolongement direct de la réunion de Rio+20 qui s’est déroulée il y a un an. Il vise à définir des priorités, des objectifs et des cibles de développement et formule des propositions concrètes d’Objectifs de développement durable (ODD).

Composé de 27 personnes, le groupe était présidé par le président indonésien, le président libérien et le Premier ministre britannique. De longues délibérations sont encore à prévoir avant d’obtenir un programme de développement post-2015 qui soit approuvé par les pays du monde. Toutefois, ce rapport constitue l’un des jalons les plus importants dans ce processus et vaut la peine d’être lu et analysé.

Le rapport s’appuie en partie sur le suivi du processus et des avancées des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). J’ai déjà évoqué le contexte et le processus des OMD dans un précédent billet, et souligné qu’il existe un certain nombre d’améliorations à apporter pour atteindre les ODD, par exemple simplifier les choses, mesurer les progrès de manière plus claire et mieux reconnaître la nécessité d’efforts transversaux.

Ce nouveau rapport constitue-t-il une avancée ? Oui. Il représente un processus politique bien plus élaboré et dresse un tableau plus complet d’un futur programme de développement. Après une première lecture, voici mes premiers commentaires, qui concernent en majorité les ODD et leurs cibles :

Premièrement, le rapport propose 12 ODD et 7 questions transversales. C’est beaucoup trop pour pouvoir les appréhender comme un tout durant les discussions ou les communications.

Toutefois, le rapport suggère également un ensemble plus complet de cinq transformations. Selon moi, cinq est un chiffre optimal et peut-être que nous allons principalement nous référer à ces cinq transformations. J’entrevois en effet une certaine corrélation avec les cinq objectifs que j’ai suggérés dans un précédent billet sur les ODD, en soulignant que les manières de les configurer sont peut-être limitées. Les cinq propositions de transformation sont énumérées ci-après et renvoient de manière indicative à des idées que j’ai déjà évoquées :

1. Ne laisser personne de côté (égalité des chances, protection sociale)

2. Placer le développement durable au cœur des débats (paysages durables)

3. Transformer les économies pour créer des emplois et favoriser un mode de croissance inclusif (croissance verte et équitable, infrastructures pour tous)

4. Construire la paix et créer des institutions efficaces, transparentes et responsables pour tous (protection sociale)

5. Créer un nouveau partenariat mondial (croissance verte et équitable, protection sociale)

Qu’en est-il des 12 objectifs et cibles plus détaillés présentés dans le rapport, et quels sont leurs liens avec le travail du CIFOR et du CGIAR concernant les forêts et les paysages ? Mes observations sont les suivantes :

1. Mettre fin à la pauvreté. Cet objectif de développement reste prioritaire. Il s’agit de garantir le droit à la terre pour les populations et les entreprises ainsi que des systèmes de protection sociale pour les pauvres et les vulnérables. Il s’agit également de priorités cruciales pour le CIFOR et le CGIAR. Mais je ne comprends pas pourquoi cet objectif inclut un indicateur sur la réduction des décès liés aux catastrophes naturelles : il me semblerait plus approprié de l’associer à l’objectif n° 9 (gérer les richesses naturelles de façon durable).

2. Autonomiser les filles et les femmes et parvenir à l’égalité des sexes. Cette proposition d’objectif actualise la question par rapport aux OMD, ce qui est positif. Les problèmes de genre dans l’agriculture, les forêts et la pêche sont également évidents et constituent une priorité majeure pour le CIFOR et le CGIAR.

3. Garantir une éducation de qualité et des programmes de formation tout au long de la vie. J’aurais aimé voir l’enseignement supérieur inclus ici.

4. Assurer les conditions d’une vie en bonne santé. Parmi les huit OMD, plusieurs portent sur la santé. Ils sont désormais regroupés en un seul objectif, ce qui semble logique. Toutefois, la nutrition, que je définirais comme un facteur important de bonne santé, n’est pas incluse ici.

5. Assurer la sécurité alimentaire et l’équilibre nutritionnel. Ce thème est évidemment une priorité essentielle pour le CGIAR et on peut se féliciter de voir qu’un objectif précis est consacré à la sécurité alimentaire. Dans les cinq indicateurs proposés, cependant, l’accent reste placé sur l’offre (quantité) alimentaire, aux dépens de la nutrition. Plus important, les aspects plus généraux de la sécurité alimentaire (notamment l’accès à l’alimentation) ne sont pas du tout couverts. On peut se demander s’il est possible de réduire la sécurité alimentaire à la seule production de calories à partir de la terre quand on sait que l’insécurité alimentaire résulte principalement de la pauvreté et des inégalités. En d’autres termes, la formulation de l’objectif n’est pas en phase avec les indicateurs suggérés.

6. Assurer un accès universel à l’eau et à l’assainissement. Il s’agit également d’une priorité majeure pour le CIFOR et le CGIAR. Le rôle des forêts dans l’approvisionnement sûr et durable en eau pour la consommation humaine comme pour l’agriculture est clairement une des premières priorités de notre travail.

7. Garantir une énergie durable. Il s’agit d’un objectif de taille et, clairement, d’un moteur pour atteindre plusieurs autres objectifs. Toutefois, le rôle de la biomasse est minimisé et même découragé en raison de la pollution atmosphérique intérieure. Or, le rôle du bois et de la biomasse dans l’énergie est, et restera, très important, en particulier pour les populations pauvres et vulnérables. Améliorer leur production et leur utilisation aura des retombées très importantes en termes de durabilité et cela aurait dû faire l’objet d’une plus grande attention dans la formulation des indicateurs.

8. Créer des emplois, des moyens d’existence durables et une croissance équitable. Cet objectif est une occasion de souligner et d’améliorer le rôle du travail et du capital dans les secteurs d’activité terrestres (premiers secteurs d’emplois dans le monde). Il s’agit selon moi d’un domaine dans lequel le CGIAR pourrait agir davantage. En outre, le CIFOR et le CIRAF cherchent à améliorer et à élargir les possibilités d’investissement dans des pratiques durables d’utilisation des terres, un autre domaine couvert par cette proposition d’objectif.

9. Gérer les richesses naturelles de façon durable. Il est satisfaisant de voir un objectif précis sur ce thème avec des possibilités d’élaborer des approches paysagères dans tous les secteurs (une fois encore, une priorité majeure pour le CIFOR et le CGIAR). Mais les indicateurs sont un peu inégaux : une perspective plus globale sur les ressources naturelles aurait été utile. Par exemple, la réduction des émissions de GES issues de l’utilisation des terres aurait pu constituer un indicateur, de même que l’augmentation de la végétation et de la biomasse du sol dans le paysage. Par ailleurs, la bio-économie (composante essentielle de l’économie verte), aurait pu être mise en avant à l’aide d’un indicateur sur les revenus ou sur la rentabilité tirés des produits et services offerts par les ressources naturelles durables.

10. Assurer une bonne gouvernance et un cadre institutionnel efficace. Objectif crucial en termes de progrès et placé plus en avant par rapport aux OMD. En particulier, il est encourageant de voir un indicateur sur la réduction de la corruption.

11. Garantir des sociétés stables et pacifiques. Important, mais moins directement lié au travail du CIFOR et du CGIAR, sauf peut-être en ce qui concerne le respect des lois relatives à la protection des ressources naturelles.

12. Créer un environnement mondial favorable et encourager les financements à long terme. Comme mentionné à l’objectif n° 8 ci-dessus, améliorer et augmenter les financements en faveur de l’utilisation durable des terres est un facteur de succès essentiel. Les investissements dans l’agriculture, les forêts et la pêche durables ainsi que les chaînes de valeur associées peuvent constituer une voie très directe vers le développement durable. Mais les obstacles sont nombreux. À mon avis, le CIFOR et le CGIAR pourraient mettre davantage l’accent sur ces questions.

Pour conclure, les transformations, objectifs et indicateurs proposés fournissent une excellente base pour les futures priorités du CIFOR et du CGIAR. Des discussions sont déjà en cours au sein du consortium pour savoir si nous devrions davantage nous aligner sur les ODD au lieu d’élaborer des objectifs séparés pour le CGIAR. Nous disposerions ensuite d’un moyen plus direct d’intégrer les politiques de développement et pourrions envisager un programme plus pertinent destiné à un public plus large.

Suivez Peter Holmgren sur Twitter: @pholmgren

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