YAOUNDE, Cameroun (06 Juin 2012) _ L’étendue de la forêt tropicale du bassin du Congo au Cameroun est menacée par un afflux récent d’investisseurs en quête de terres pas chères afin de faire des plantations de palmiers à huile, ceci souligne l’appel lancé par les scientifiques pour le développement d’une stratégie nationale d’utilisation des terres.
« Le Cameroun est d’un intérêt particulier pour de nombreuses sociétés asiatiques d’huile de palme en raison des excellentes conditions biophysiques, de la disponibilité de terres et de main-d’oeuvre pas chers, la stabilité politique, la volonté du gouvernement de développer son secteur agricole et plus important encore la proximité du pays aux marchés européens et nord-américains à grande valeur », déclare Patrice Levang, chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et le Centre de Recherche Forestière internationale (CIFOR) et co-auteur avec David Hoyle (WWF) d’une nouvelle étude intitulée «Le développement du palmier à huile au Cameroun ».
« Toutefois le pays ne peut pas profiter pleinement de ces avantages à moins que le gouvernement travaille avec tous les acteurs concernés afin d’élaborer une stratégie nationale de palmier à huile qui guidera l’expansion rapide du secteur », ajoute t-il.
Avec la pression pour répondre à la demande croissante de nourriture et de carburant, combinée à des réglementations plus strictes pour limiter la déforestation, l’augmentation de la pénurie de terres et une surveillance plus étroite des acquisitions de terrains, de nombreuses sociétés asiatiques d’huile de palme diversifient leurs zones de production et investissent massivement dans les pays d’Afrique centrale, dont le Cameroun.
Depuis 2009 le Cameroun a connu une forte augmentation du nombre d’investisseurs en quête de terres pour les plantations de palmiers à huile. Au moins 6 entreprises ont fait la demande pour se voir attribuer plus de 1 million d’hectares de terres dans les zones forestières de la partie sud du pays, ce qui représente environ 4,7 pour cent de la superficie forestière totale du pays de 21.245.000 hectares, selon le rapport.
Vue que la production industrielle d’huile de palme est un élément clé de la stratégie du gouvernement camerounais de réduction de la pauvreté, il est prêt à donner des concessions à des entreprises qui demandent des grandes superficies de terres dans les zones boisées afin de produire de l’huile de palme.
Les recherches précédentes du CIFOR en Malaisie et en Indonésie ont montré que bien que l’expansion de la production d’huile de palme pourrait être l’occasion de développer les économies nationales en accroissant les possibilités d’emploi, en augmentant les recettes de l’Etat pour aider à développer les infrastructures et en facilitant la participation des petits exploitants à la production, les coûts sociaux et environnementaux peuvent être élevés.
Le défrichage des terres pour la production pourrait entraîner la perte de zones à haute valeur de conservation, ainsi que l’épuisement des stocks de carbone essentiels pour réduire les émissions des régimes de déforestation et de dégradation. Les troubles sociaux, les violations des droits de l’homme et la perte de sources de revenus alternatives pour l’Etat pourraient limiter les options alternatives d’utilisation des terres pour les populations locales, telles que l’exploitation minière, la chasse et l’exploitation forestière.
Selon Mr Hoyle et Mr Levang, une nouvelle stratégie nationale devrait investir l’augmentation de la productivité et du rendement des plantations de palmiers à huile existantes, ainsi que se focaliser sur le développement durable avec un impact minimal sur les niveaux d’émissions de carbone et la conservation de la biodiversité.
« Il y a un certain nombre de choses différentes que la stratégie devrait aborder, y compris le développement des zones déjà déboisées ou dégradées afin de s’assurer que tous les nouveaux développements d’huile de palme au Cameroun répondent aux critères fixés par la Table ronde pour l’huile de palme durable (RSPO); les petits exploitants doivent bénéficier du développement de complexes agro-industriels par la mise en place de contrats avec les producteurs, en utilisant le modèle développé en Asie du Sud par lequel où au moins 30 pour cent de la superficie totale est réservée aux petits exploitants, et des mesures doivent être mises en place pour soutenir l’agriculture familiale à travers de la fourniture de semis sélectionnés et de la formation », ajoute Mr Levang.
Le rapport suggère également que les investissements d’huile de palme au Cameroun devraient être suspendus au moins jusqu’à ce qu’une feuille de route menant à une nouvelle politique gouvernementale sur l’expansion de la production d’huile de palme soit convenue ou, du moins jusqu’à ce que le gouvernement consulte toutes les parties prenantes avant d’émettre de nouvelles zones de concessions d’huile de palme.
Tout en reconnaissant le fait que l’expansion du palmier à huile au Cameroun pourrait réduire la pauvreté et conduire à un fort développement économique, le rapport avertit que si ce n’est pas correctement géré et bien pensé, cela pourrait entraîner la perte de zones à haute valeur de conservation et avoir des impacts négatifs sur les moyens de subsistance des communautés locales et des populations autochtones.
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