Du gibier et du poisson frais au poulet surgelé: appauvrissement de l’alimentation en Amazonie

Lorsque les populations autochtones migrent de leur communauté forestière vers les villes, ils laissent derrière eux leur régime alimentaire traditionnel de poisson et de gibier qu'ils échangent pour du poulet, des œufs, des saucisses ou de la viande en conserve.
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La importación de pollo congelado desde el sur de Brasil hasta la Amazonía occidental tiene una huella ecológica más alta que el permitir los mercados locales de carne de animales silvestres. Emilian Robert Vicol

L’importation de poulets congelés en provenance du sud du Brésil vers l’Amazonie occidentale a une empreinte écologique plus néfaste que l’autorisation des marchés locaux de viande de brousse. Emilian Robert Vicol

SAN JOSÉ, Costa Rica (18 juin 2013) _ Lorsque les populations autochtones migrent de leur communauté forestière vers les villes, ils laissent derrière eux leur régime alimentaire traditionnel de poisson et de gibier qu’ils échangent pour du poulet, des œufs, des saucisses ou de la viande en conserve. Un menu qui fait chuter la diversité nutritionnelle de l’alimentation, selon des sondages réalisés auprès d’écoliers en Amazonie occidentale.

Le nombre de personnes dépendantes du gibier n’est pas élevé, mais c’est une source importante pour la diversité de l’alimentation, selon Nathalie Van Vliet, qui mène une étude sur la consommation de gibier ou de «viande de brousse» pour le CIFOR.

«En abandonnant les protéines qui proviennent de la nature, les gens sont en train de perdre de la variété nutritionnelle», a expliqué Mme Van Vliet.

«Cette transition est d’autant plus surprenante que les villes de taille moyenne en Amazonie occidentale se situent le long d’une rivière qui contient la plus grande diversité de poissons au monde.»

Environ 10% des personnes vivant dans des communautés forestières mangent de la viande de brousse au quotidien*, mais ce chiffre chute quand elles déménagent vers les grandes villes. Même tendance pour le poisson, consommé par 40% des ruraux et seulement 10% de leurs homologues urbains, a expliqué Mme Van Vliet lors d’une présentation du troisième Congrès latino-américain de l’Union Internationale des Instituts de Recherches Forestières (IUFRO), qui a eu lieu à San José, au Costa Rica, du 12 au 15 juin.

Les populations autochtones qui se sont déplacées vers les villes ont rapidement adopté les régimes non autochtones, a expliqué Mme Van Vliet, qui a interrogé des élèves sur les différentes sortes de protéines qu’ils avaient mangé le jour précédent.

Or les changements alimentaires peuvent conduire à des problèmes de santé plus tard, en particulier parce que les viandes transformées ont tendance à être riches en gras et en sel, et l’augmentation du niveau de leur consommation a été liée à la prévalence élevée de maladies cardiaques et de cancer*.

Dans la région reculée de l’Amazonie où travaille Mme Van Vliet – autour des villes de Leticia en Colombie et de Tabatinga au Brésil, où ces deux pays partagent des frontières, et au Pérou – les changements sont rapides, car les populations autochtones se déplacent vers les villes à la recherche d’emplois et de meilleures conditions de vie, dit-elle.

«Avec cette migration, viennent des transformations culturelles et des changements dans le régime alimentaire», a-t-elle dit. «Ceci a des conséquences importantes pour la nutrition des populations.»

Les sources de protéines sauvages sont produites localement, alors que les poulets viennent de loin et sont susceptibles d’avoir été produits dans des conditions éthiques et environnementales plus intensives et plus discutables.

Jusqu’à présent on sait peu sur le rôle de la viande de brousse pour la nutrition humaine, en particulier dans les zones urbaines. Mme Van Vliet, qui a participé à une étude comparative publiée en 2011 sur la chasse au gibier dans les bassins du Congo et de l’Amazone, a expliqué que la plupart des études menées en Amérique latine ont mis l’accent sur les impacts écologiques de la chasse, mais qu’il y a eu peu d’intérêt pour l’aspects économiques et socioculturels de cette faune en tant que ressource alimentaire.

La vente de viande de brousse est illégale dans la plupart de l’Amazonie en raison des préoccupations sur son impact écologique, aexpliqué-t-elle, mais ceci n’en a pas empêché le commerce.

Nathalie Van Vliet espère que ses études prévues sur l’importance économique de la viande de brousse, ainsi que la disponibilité et l’abondance des proies, suscitera le débat sur d’éventuelles réformes des réglementations sur l’utilisation et la gestion durables de la faune sauvage et vers une reconnaissance d’un commerce qui perdure malgré les lois prohibitives.

«Nous voulons évaluer la durabilité de cette chaîne du marché,» dit-elle.

Mme Van Vliet soutient que l’importation de poulets congelés du sud du Brésil vers l’ouest de l’Amazonie a probablement une empreinte écologique plus importante que l’autorisation de marchés locaux de viande de brousse basés sur des systèmes de gestion durable.

«Nous devons analyser les compromis d’une manière plus holistique», dit-elle.

«Les sources de protéines sauvages sont produites localement, alors que les poulets viennent de loin et sont susceptibles d’avoir été produits dans des conditions éthiques et environnementales plus intensives et plus discutables.»

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Robert Nasi sur r.nasi@cgiar.org.

Cette recherche est menée dans le cadre du Programme de Recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.

*Liens non traduits en français

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